PARIS
Passée sous les radars du monde de l’art, l’œuvre du frère de Jackson Pollock, sa production tardive en particulier, suscite, trente ans après sa disparition, un regain d’intérêt.
Paris. C’est la deuxième exposition que la jeune galerie ETC (ouverte en janvier 2019) consacre à Charles Pollock (1902-1988). Lors de la première, en octobre 2019, plusieurs collectionneurs avisés, français, belges, suisses…, avaient acquis des œuvres de ce contemporain de Mark Rothko et de Barnett Newman, dont la notoriété est bien moindre que celle de son frère Jackson (1912-1956). La galerie doit au succès commercial de ce premier solo l’élan qui lui a permis de traverser ces temps difficiles, entre grèves et confinement. Cette seconde exposition se concentre sur la période de création du milieu des années 1960. « Late bloomer », Pollock atteint alors dans son travail une forme de plénitude qui s’exprime par une recherche autour de la couleur, dont il a jusque-là fait peu usage. En 1956, il a épousé la romancière Sylvia Winter et perdu son jeune frère, mondialement reconnu pour ses drippings. Il voyage en Europe et produit, au début des années 1960 à Rome, une série, libératrice, où, faute de moyens, il applique la peinture acrylique directement sur des toiles non apprêtées.
De retour à New York, il peint semble-t-il avec une allégresse nouvelle. Dans la première salle, la galerie présente des tableaux dont le motif principal, un empilement géométrique aux teintes estompées, apparaît comme entouré d’un halo, lui-même se détachant sur un fond monochrome. Ces images flottantes suggèrent un état contemplatif, qui non seulement fait trembler les frontières chromatiques en leur conférant une sorte de perméabilité, mais entraîne le regard au-delà de l’abstraction, dans une spéculation ouverte. Près de l’entrée, une gouache sur toile est placée à part ; cette œuvre de petit format, très photogénique, illustre souvent les articles consacrés au travail de Charles Pollock, sans lui être totalement fidèle – sa palette fait plutôt penser au style, très identifiable, d’un Ellsworth Kelly. Dans son prolongement est accrochée une succession de collages délicats qui renseignent sur le processus créatif de l’artiste. L’un d’eux, dans la salle du fond, est l’étude jumelle de #100, Stack (1968, [voir ill.]), et de sa gradation chromatique oblique. Par la vibration de ses tonalités, leur intensité et le caractère ascensionnel de leur combinaison, cette toile atteint une qualité quasi musicale. C’est l’un des chefs-d’œuvre de Pollock.
Qu’en est-il aujourd’hui de sa reconnaissance ? Depuis des années, sa fille, Francesca, installée à Paris où son père a vécu, exhume et défend son travail, longtemps passé presque inaperçu. Représenté également par la galerie new-yorkaise Jason McCoy, Pollock bénéficie aujourd’hui d’une cote assez élevée : les prix vont de 7 000 euros pour les collages à 130 000 euros pour les grandes toiles.
En France, le Frac (Fonds régional d’art contemporain) Auvergne prévoit d’exposer, en 2022, une soixantaine d’œuvres couvrant la période 1930-1983, avec un focus sur les années 1960-1980. « C’est au cours de cette période que Charles Pollock développe, série après série, une pensée sur la couleur d’une grande cohérence et d’une extrême sensibilité », observe Jean-Charles Vergne, son directeur, qui espère que cela « permettra de mesurer l’importance de ce peintre encore trop méconnu ».
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Charles Pollock sort de l’ombre grâce à la couleur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : Charles Pollock sort de l’ombre grâce à la couleur