Nuances

Brian Kokoska voit vert

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 29 septembre 2015 - 543 mots

L’artiste plonge la galerie Chez Valentin dans un environnement total et monochrome.

PARIS - Tout vert, du plafond jusqu’à la moquette spécialement installée pour l’occasion. Mais avec l’aspect cocon fluo de l’ensemble, on ne perçoit pas tout de suite que pour cette première exposition en France et à la galerie Valentin, Brian Kokoska a utilisé sept nuances de vert déclinées avec une belle subtilité et d’évidentes qualités de coloriste.

Des verts, on en retrouve dans les six tableaux accrochés aux murs. Ce ton sur ton qui pourrait leur nuire souligne au contraire leur force et témoigne d’une réelle maîtrise du geste et de la couleur. Né en 1988 à Vancouver au Canada et habitant aujourd’hui à New York, ce jeune artiste est d’abord et indéniablement un peintre qui pratique aussi d’autres disciplines. En effet, si elles figurent toutes des visages, avec de volontaires clins d’œil à Picasso, ces toiles sont ici accompagnées de sept sculptures qui, elles, évoquent le corps. Celui mis en forme par des mannequins de vitrine en plastique noir gonflable, sans tête, ligotés avec des peluches vertes. Tout un programme. L’idée du corps morcelé se poursuit avec des gants en vinyle, noirs et gonflés également comme des ballons, disséminés sur le sol comme autant d’éléments de ponctuation dans cet univers singulier.

Dispositif déroutant
Même si chaque pièce est autonome, c’est bien comme un environnement complet que Kokoska a pensé son exposition pour envahir et baigner l’espace d’une atmosphère étrange, ambiguë, grinçante, acide comme certains verts, en suggestion et métaphore de la société. Il provoque et modifie notre perception de l’espace et du monde en nous plaçant en apesanteur dans une bulle troublante, à la fois attirante et anxiogène, comme dans un halo presque aveuglant par l’effet couleur-lumière de sa monochromie, où l’homme isolé, replié sur lui-même et sans-âme, semble avoir bien du mal à se situer. Radical, explicitement intitulé « Poison IV », l’ensemble fait de cette exposition l’une des rares surprises de cette rentrée, par ailleurs soit médiocre, soit classique et parfois même les deux, dans les galeries du Marais.

Les prix eux vont de 2 000 dollars pour une petite sculpture à 10 000  dollars (*) pour un grand tableau tout de même,  pour un artiste qui, même s’il a enchaîné plusieurs expositions depuis le début de l’année (Brand New Gallery à Milan, Johannes Vogt Gallery à New York et un one-man-show sur le stand de cette dernière lors d’Art Brussels en avril) est encore une jeune pousse dont on risque d’entendre parler.

Signalons parallèlement, dans le showroom de la galerie, la carte blanche donnée à David Fleiss qui, sous l’intitulé « DF1900-2000 », accroche à touche-touche, comme il en a fait sa signature dans les foires d’art, 49 œuvres de 1924 (une photo de Man Ray) à 1979 (un collage d’Al Hansen), avec une fourchette de prix allant de 1 600 euros (**)  pour une décalcomanie d’André Breton à 350 000 pour un tableau de Brauner.

BRIAN KOKOSKA

Nombre d’œuvres : 13 pour Kokoska, 19 pour David Fleiss

Deux erreurs se sont glissées dans l'article du Journal des Arts n°442 :
(*) il s'agit de dollars et non de euros
(**) Le prix de vente de la décalcomanie d’André Breton est 1 600 euros et non de 200 euros

BRIAN KOKOSKA, POISON IV

Jusqu’au 10 octobre, Galerie Chez Valentin, 9 rue Saint-Gilles, 75003 Paris, tél. 01 48 87 42 55, www.galeriechezvalentin.com, mardi-samedi 11h-13h et 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°442 du 2 octobre 2015, avec le titre suivant : Brian Kokoska voit vert

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