Paris Photo a redressé le niveau, mais les ventes se sont concentrées sur les petits prix
PARIS. Le marchand Daniel Blau (Munich) aurait-il un humour décalé ou franchement de mauvais goût ? La question se posait face à son stand orchestré autour des désastres de la bombe atomique à Nagasaki, alors même que Paris Photo, du 13 au 16 novembre, se mettait à l’heure nippone ! Nonobstant cette provocation superflue, le choix du Japon comme pays invité a permis au salon de reprendre du poil de la bête après la dérive décorative de l’an dernier. Grâce à ce focus, quelques bons photographes comme Ihee Kimura ou Iwao Yamawaki sont sortis de l’ombre. De son côté, Yoshii (New York) a offert un vrai feu d’artifices avec le duo Araki et Moriyama. En revanche, les Statements laissaient à désirer à coup d’ennuyeuses vagues au kilomètre de Nobuo Asada ou de Syoin Kajii. Le XIXe siècle s’était renforcé avec une recrue de choix, Bernard Quaritch (Londres), laquelle avait notamment proposé de surprenantes images de la Police judiciaire belge. Pour ce qui est des années 1970, la palme revenait à Luisotti (Santa Monica) avec les parcs industriels de Lewis Baltz et les scènes de vandalisme de John Divola. « Cette année, on voyait de vraies belles images et de beaux vintages, et pas juste des tirages froissés et vieux. Il y a beaucoup moins de glissement », relevait avec justesse Jacques Damez, codirecteur de la galerie Le Réverbère (Lyon). Le niveau s’était surtout bien redressé côté contemporain, avec le beau face-à-face entre Youssef Nabil et Guy Tillim chez Michael Stevenson (Cape Town), l’idée de pause et de traversée avec Valérie Jouve et Vera Lutter chez Xippas (Paris) ou l’objectif aigu de Trent Parke chez Stills (Sidney).
Malgré la qualité, les ventes furent globalement limitées à de petites sommes. Lumière des Roses (Montreuil) a fait feu de tout bois en cédant au Musée Niépce de Chalon-sur-Saône un album anonyme illustrant la romance improbable entre Mickey et une poupée japonaise, et au Victoria & Albert Museum une série de profils anglais anonymes vers 1880. La galerie 1900-2000 (Paris) a vendu pour sa part quatre photos de Man Ray de 1975, dont Détournement de l’image TV, Mr et Mrs Woodman à l’Art Institute de Chicago. En dépit d’une mercuriale au ralenti, la France faisait figure de pays de cocagne pour les exposants américains, refroidis par la dépression aux États-Unis. « C’est le jour et la nuit, New York est comme un cimetière, l’épicentre de la crise économique. Du coup, je suis content d’avoir vendu des pièces, principalement dans notre sélection contemporaine », observait Robert Mann (New York). Même son de cloche du côté de sa consœur Yancey Richardson (New York). « C’est bien d’être loin de New York, des mauvaises nouvelles, confiait-elle. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais on a vendu pas mal de pièces d’Esko Mannikö et Helen Van Meene. J’avais amené exprès des choses en dessous de 10 000 dollars. » Car au-dessus de cette barre, le commerce devenait plus ardu. « Il n’y a pas de grosses ventes, mais le fait même qu’on vende est formidable, observait Theresa Luisotti. Les gens sont prudents, ne jettent pas leur argent car ils ne savent pas combien ils en ont, ça change tous les jours. » De plus en plus dilatées dans le temps, les transactions s’effectuent parfois au forceps. « J’ai très bien vendu parce que trois mois avant j’avais envoyé des photos aux gens qui pourraient être intéressés, observe Timothy Persons, de la galerie Taik (Helsinki). Puis je suis venu une semaine plus tôt à Paris pour rencontrer des collectionneurs. J’ai fait mes devoirs. » À l’heure où plus rien ne coule de source, les marchands doivent se retrousser les manches.
Le Musée d’Orsay a été pris en flagrant délit de censure en refusant en 2006 un cliché de Rip Hopkins, exposé à Paris Photo sur le stand de la galerie Le Réverbère. Cette photo piquante représentant un agent de sécurité allongé nu à côté du Déjeuner sur l’herbe de Manet faisait initialement partie d’une commande passée par le musée au photographe anglais. « De toute la commande, le musée n’a retenu que ce qui était politiquement correct. Les photos où les employés choisissaient des endroits d’enfermement n’ont pas plus été gardées pour l’exposition », indique Catherine Dérioz, de la galerie Le Réverbère. Ironiquement, ce cliché a été utilisé par Artcurial pour illustrer une conférence au printemps prochain sur L’Art Hors la Loi. Rappelons que la maison de ventes compte désormais dans ses équipes l’ancien directeur du Musée d’Orsay, Serge Lemoine.
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Bol d’air parisien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°292 du 28 novembre 2008, avec le titre suivant : Bol d’air parisien