Face à l’instabilité politique et économique que connaît le Liban, la foire de Beyrouth se maintient malgré l’absence de grandes enseignes, sans toutefois parvenir à dessiner une identité forte.
BEYROUTH - Depuis plus d’un an le Liban n’a plus de président, le mouvement contestataire « Vous puez » déclenché par le problème d’évacuation des ordures s’amplifie, plus d’un million de Syriens ont trouvé refuge sur le sol libanais… Pour autant, les acteurs de la vie culturelle à Beyrouth n’en font pas moins preuve d’une envie à toute épreuve de résister et de continuer à initier de nouveaux projets (voir l’encadré ci-contre). Et la foire de Beyrouth participe de cette énergie. « Nous sommes passés de 3 500 visiteurs en 2009 à 20 000 en 2014 », déclare Laure d’Hauteville, directrice de la foire qu’elle a créée en 2009. Et de poursuivre : « Maintenant que Dubaï et Abou Dhabi achètent moins car les musées vont ouvrir, le Liban va reprendre sa place de capitale culturelle dans le Moyen-Orient, place qu’elle a perdue depuis la guerre en 1976. »
Un contexte politique qui démobilise certains
Accueillir de grandes enseignes internationales, et fédérer autour de cette foire toutes les grandes galeries beyroutines n’en reste pas moins très difficile. Parmi les 51 galeries présentes, dont 25 étaient libanaises, manquaient toujours à l’appel Sfeir-Semler ou Ayyam, mais aussi Agial qui était pourtant là en 2014. De même, il semble difficile de faire venir des collectionneurs étrangers, y compris du monde arabe. « D’habitude j’ai des clients du Quatar, du Golfe, note Samer Antoine Kozah de la galerie syrienne Kozah, mais ils m’ont expliqué qu’à cause de la situation politique, ils ne viendraient pas cette année. » On soulignait déjà l’année dernière une évacuation des œuvres en prise avec le contexte local. Cette tendance se confirme. Mark Hachem (Beyrouth/Paris/New York), qui présentait en 2014 un stand avec des œuvres engagées, a préféré faire place à une modernité bien plus sage. La galerie Tanit (Beyrouth/Munich) proposait des photographes de paysages dans la lignée de l’École allemande de Düsseldorf. Le stand le plus convaincant et le plus directement en résonance avec l’actualité revenait à une Française, Odile Ouizeman, qui avait fait le choix pour sa première participation de présenter un solo show consacré à Mehdi Meddaci et à ses subtiles réflexions sur les migrations. Vanessa Quang (Paris) tentait aussi de faire résonner les photographies d’humeur du Finlandais Jari Silomäki avec les interrogations des Libanais, tandis que IFA Gallery (Bruxelles) proposait un stand autour de la question de la reconstruction. Sur l’ensemble de la foire, dominait toutefois très largement une peinture figurative, qui aurait mérité de faire l’objet d’une sélection plus sévère.
À Beyrouth, la dynamique culturelle se trouve actuellement dopée par l’ouverture prochaine de toute une série de fondations à l’initiative d’acteurs privés, à commencer par la très attendue Fondation Aïshti, sous l’égide du propriétaire du plus grand groupe de luxe libanais, Tony Salamé. L’édifice de 4 000 mètres carrés présentera une partie de sa collection : des pièces importantes de l’Arte povera, des artistes internationalement reconnus, mais aussi des signatures libanaises collectionnées plus récemment comme Mona Hatoum, Ziad Antar, Walid Raad. Au rythme de deux par an, seront également organisées sous la direction de l’Italien Massimiliano Gioni des expositions temporaires. Intitulée « New Skin », l’exposition inaugurale prévue pour le 25 octobre offrira l’occasion de réfléchir sur les mutations qui se profilent à l’aube du nouveau millénaire. Il faudra aussi compter à partir du 15 mai 2016 avec Dar-El-Nimer, projet initié par le collectionneur palestinien Rami R. El-Nimer qui vise à présenter sa collection d’art ottoman palestinien et arménien, mais aussi à offrir un espace à des curateurs pour promouvoir les artistes palestiniens. Viendra un peu plus tard en 2020, le projet du groupe Saradar qui a pour objectif de défendre l’art libanais. Ce projet s’inscrira dans un espace de 2000 mètres carrés, au sein d’un complexe commercial dessiné par Christian de Portzamparc. Cette effervescence viendra renforcer celle déjà portée par des institutions très actives comme le Beirut Art center ou Ashkal Alwan ou encore le Mansion. Ce lieu alternatif situé dans une villa des années 1930 abandonnée pendant la guerre civile, accueille près d’une trentaine d’artistes et de chercheurs engagés politiquement et socialement.
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Beirut Art Fair résiste
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Abonnez-vous dès 1 €Jari Silomakï, My Weather Diary Date, 2001-2009, c-print, 28 x 28 cm. Courtesy galerie Vanessa Quang, Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°442 du 2 octobre 2015, avec le titre suivant : Beirut Art Fair résiste