En réussissant son implantation à Miami et à Hong Kong, Art Basel a achevé le développement d’un modèle global pour les foires d’art contemporain.
La même, mais pas vraiment identique… Et c’est bien ce qui la rend intéressante ! La troisième édition d’Art Basel Hong Kong, qui s’est tenue en mars dernier, a montré que la célèbre foire suisse a réussi son atterrissage en terre asiatique. Elle a aussi confirmé que la firme, qui historiquement opère le salon d’art contemporain le plus prestigieux au monde, fondé en 1970, est désormais devenue une véritable entreprise globale, une marque même, qui avec trois foires réparties sur la planète accueille chaque année quelque cinq cents galeries. Car si Art Basel, à Bâle, est un rendez-vous auquel se pressent toutes les élites artistiques, c’est également une organisation huilée dans ses moindres détails, mais aussi un logo, une signalétique à l’intérieur et à l’extérieur du salon, un mode de communication : en bref, une image qui la rend parfaitement reconnaissable partout dans le monde, et en particulier dans ses deux déclinaisons à Miami Beach, lancée en 2002, et à Hong Kong.
Une marque commune pour trois foires singulières
Il était frappant en 2013, lors de la première édition de la bouture hongkongaise qui prenait la suite de la foire ART HK, fondée en 2008 et rachetée par les Suisses donc, de voir comment avait été investie la ville avec la déclinaison de son logo traitée, comme ailleurs, sur des fonds bicolores, qui dès l’aéroport avait largement investi panneaux d’affichage et voitures de tramway notamment. « C’est la première fois qu’une foire a été autorisée à faire autant de publicité dans toute la ville », confiait à ce propos Andrew Davis, directeur général associé d’Invest Hong Kong, office gouvernemental chargé d’apporter un soutien aux entrepreneurs étrangers désireux d’investir et de s’implanter dans la ville.
Néanmoins, l’image globale, et c’est heureux, ne masque pas d’évidentes particularités géographiques qui confèrent à chacun des salons une singularité, et par-delà sa propre identité, au sein de cette entreprise générale ; avec pour les organisateurs une obligation de penser global tout autant que local ! Une telle subtilité se joue en partie dans la catégorisation des secteurs. Si certains sont peu ou prou identiques en adoptant des dénominations différentes (les stands dévolus aux plus jeunes sont regroupés dans « Statement » à Bâle, « Positions » à Miami et « Discoveries » à Hong Kong), le secteur « Nova » en Floride, plutôt jeune lui aussi, ne correspond pas au « Feature » bâlois dévolu à des projets curatés, tandis que « Insights » à Hong Kong est réservé à des enseignes asiatiques.
Avec une presque parité entre galeries orientales et occidentales, Hong Kong est pour le visiteur venu de l’Ouest celle des trois manifestations qui apporte le plus de surprises, tant les contrées de la région offrent des contextes – et donc des formes d’expression – aussi divers que la Chine, le Japon, les Philippines ou l’Indonésie, encore largement à labourer et dans lesquels l’œil est volontiers perdu. Tandis qu’à Miami Beach, c’est la fibre latine qui continue d’être tissée. Notable est le fait que les comités de sélection sont tous composés de membres différents, afin de conserver des particularismes locaux.
La globalisation de la foire induit progressivement, parce que les habitudes de voyage changent elles aussi et que de fait l’offre se diversifie, une modification des trajectoires géographiques des collectionneurs dans leurs achats qui, semble-t-il, tendent à acheter internationalement beaucoup plus vite aujourd’hui, même si des réflexes régionaux sont loin d’avoir disparu, tant en Asie qu’en Amérique latine. Chantal Crousel, qui figure au nombre des quelque quatre-vingts galeries à participer aux trois foires, analyse ainsi son activité : « Bâle est la plus établie et la plus fructueuse des sept foires annuelles que nous faisons. Miami nous permet de toucher nos collectionneurs latino-américains, mais aussi des États-Unis, c’est donc un point de rendez-vous important qui donne aussi de bons résultats. Hong Kong est très spécifiquement orientée vers l’Asie du Sud-Est et nous permet de progressivement mieux connaître ce public grandissant dont une partie très intéressante voyage aussi dans le monde, et parfois à Paris, afin de voir les autres foires. Elle ne constitue pas notre chiffre principal, mais le contexte est en plein développement et nous permet à chaque fois de rencontrer de nouveaux collectionneurs, même si nous consolidons surtout nos liens avec des acheteurs déjà familiers avec ce que nous présentons. »
La position du vaisseau amiral : Art Basel
Les concurrents, certes encore à la traîne, ne se sont pas trompés face au développement global de la foire suisse. Frieze Art Fair est notamment parvenue à imposer avec un certain brio son
rendez-vous new-yorkais, qui apparaît presque plus intéressant que le salon londonien. Il reste que les mouvements expansifs ne devraient pas à terme être beaucoup plus importants que cela. S’implanter à l’étranger comporte un coût de développement élevé, dans un calendrier d’événements artistiques et de salons déjà largement encombré. Il faut en outre être en mesure de proposer une offre attractive, différente et susceptible de faire se déplacer les amateurs, et ce sur un terrain déjà lui-même économiquement porteur, ce qui est tout sauf évident ; c’est ce qu’a bien compris la Fiac qui, sagement, a préféré repousser d’un an, à 2016, le lancement de sa déclinaison prévue à Los Angeles afin d’étudier au mieux le terrain.
Estimant que le monde est déjà suffisamment maillé par les trois salons dont il a la charge, Marc Spiegler, directeur d’Art Basel, exclut l’éventualité de la création d’un quatrième salon. Mais reste à savoir si dans ce concert mondialisé la foire bâloise, l’historique, n’a pas perdu quelque chose de son identité ? « J’ai le sentiment que Bâle doit être aussi une foire européenne et pas seulement mondiale. L’histoire de l’art européen doit être bien représentée afin de ne pas la perdre dans la globalisation du monde de l’art », estime Spiegler. La qualité de son secteur moderne l’y aide encore, mais la raréfaction progressive et inéluctable de l’offre en la matière pourrait à terme rebattre encore un peu plus les cartes.
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Art Basel, un modèle à l’export
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Abonnez-vous dès 1 €Du 18 au 21 juin. Hall 1 et Hall 2, Messeplatz, Bâle (Suisse). Ouvert du jeudi au dimanche de 11 h à 19 h.
Tarif : 46 €.
www.artbasel.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°680 du 1 juin 2015, avec le titre suivant : Art Basel, un modèle à l’export