BALE / SUISSE
La 49e édition de la première foire d’art contemporain ouvre ses portes à Bâle, du 14 au 17 juin. Des universitaires ont étudié pour le Jda, le profil des galeries et artistes participant aux trois manifestations de la marque dans le monde.
Nées dans les années 1970 pour favoriser l’internationalisation des galeries, les foires sont à leur tour entrées dans un processus de globalisation. Art Basel, leader incontesté des foires, a été la première à essaimer. Sans doute l’essor du marché de l’art, l’explosion du nombre de foires dans le monde mais également la conscience de la puissance de Sotheby’s et Christie’s sur le marché international n’ont pas été étrangers à cette stratégie. En effet, bien que les plus grands collectionneurs de la planète se pressent chaque année en juin à l’entrée de la foire, les maisons de ventes sont à même de toucher un public bien plus ciblé. Leurs multiples succursales et bureaux leur donnent l’opportunité de sonder et d’initier de nouvelles clientèles en de multiples points stratégiques de la planète. Dès 1973, Christie’s était ainsi implantée à Hongkong, suivie par Sotheby’s en 1989. Pour rester dans la course, Art Basel se devait d’investir d’autres territoires. La création de filiales à l’étranger lui permettrait d’élargir sa clientèle, de toucher de nouveaux marchés.
Pour ce faire, la foire, championne de l’innovation (ouverture à la photographie, aux œuvres monumentales) a cette fois-ci décidé de répliquer la recette qui avait fait preuve d’efficacité à Bâle. En premier lieu, il s’est agi de trouver des villes hub, riches en infrastructures, ouvertes au commerce, proches de zone franches ; reste ensuite à utiliser le savoir-faire, l’image et le réseau d’Art Basel. Ainsi Art Basel Miami Beach a vu le jour en 2002, et Art Basel Hong Kong en 2013. « Essaimer » ne signifie pas pour autant « cloner » et, au-delà des similarités organisationnelles et des outils de communication communs des trois foires (logo, Web, catalogue, etc.), l’enjeu est de proposer une offre diversifiée et adaptée à chaque contexte, de qualité, susceptible de ne pas lasser les collectionneurs globe-trotteurs tout en attirant sur les territoires investis un nouveau et large public.
Du fait de leur présence sur trois continents, les trois foires présentent assez naturellement des profils différents. Tandis qu’à Bâle la majorité des stands sont occupés par des galeries européennes, à Miami, malgré la prédominance européenne et, en légère croissance, nord-américaine (États-Unis + Canada), c’est une proportion non négligeable, et stable, de galeries latino-américaines qui est accueillie. Des galeries comme Arredondo/Arozarena (Mexico) ou Ricardo Camargo (São Paulo), inédites dans le cénacle de Bâle, sont par exemple entrées dans le circuit. Le profil d’Art Basel Hong Kong offre encore un regard différent, puisque presque la moitié des stands sont occupés par des galeries asiatiques.
Avec le temps, les racines européennes de la foire tendent néanmoins à se renforcer et l’on constate un léger accroissement depuis 2013 de la proportion de galeries européennes sur chacun des continents. À Miami, bien que les galeries latino-américaines soient toujours présentes, les enseignes européennes constituent désormais le premier contingent à Miami, devançant légèrement le nombre de galeries nord-américaines. La présence européenne a également progressé à Art Basel Hong Kong (37 %) même si les galeries asiatiques représentent toujours le contingent le plus important. Outre des explications imputables à l’effervescence de la scène asiatique, il est logique qu’Art Basel ait eu moins le temps de marquer son empreinte à Hong Kong, du fait de son arrivée plus récente sur le territoire. On observe d’ailleurs au sein de la version chinoise une plus grande volatilité que dans les deux autres Art Basel. Quasiment la moitié des galeries qui ont participé à la foire hongkongaise sur la période 2013-2017 n’ont été présentes qu’une année, au mieux deux. Seulement un tiers des galeries ont eu une présence constante sur toute la période. La situation est différente à Miami et à Bâle : avec une galerie sur deux, la proportion de galeries que l’on retrouve consécutivement sur les cinq années est nettement plus élevée. La jeunesse de la foire de Hongkong transparaît également à travers l’âge des galeries participantes. En 2013, elles avaient en moyenne 6 ans de moins que celles participant à Bâle, et 3 ans de moins que celles participant à Miami. Il ne s’agissait pas pour autant de toutes jeunes galeries puisqu’elles existaient en moyenne depuis dix-huit ans. Au fil de la période étudiée, l’écart s’est toutefois resserré depuis et n’est plus que de deux années avec Miami et cinq avec Bâle.
Dans le même temps, le noyau dur de galeries communes aux trois foires au cours d’une même année s’est étoffé. En 2013, c’était 12 % de l’ensemble des galeries qui occupaient des stands tant à Bâle qu’à Hongkong et à Miami. Cette proportion a augmenté de 5 points sur l’ensemble des cinq années, désormais ce taux est de 17 %. Il semble donc que les galeries trouvent leur compte dans ces manifestations qui leur permettent d’accéder à une nouvelle clientèle et de toucher des collectionneurs non nécessairement enclins à traverser les océans pour visiter une foire européenne, fût-elle « Bâle ». Mais si cette évolution se poursuit, elle risque d’avoir un effet contre-productif auprès des collectionneurs globe-trotteurs plutôt en quête de diversité, à moins qu’ils ne se rendent dans les foires satellites de ces grandes foires et dans les événements festifs organisés en parallèle.
L’extension du nombre de galeries participant aux trois foires pose en effet question lorsque l’on constate que quasiment 90 % des galeries qui ont participé simultanément aux trois en 2017 étaient localisées en Europe ou en Amérique du Nord. Les galeries américaines, allemandes, britanniques sont, dans l’ordre, fortement représentées dans ce groupe de fidèles à Bâle, les galeries françaises demeurent en quatrième position. Le nombre de ces dernières s’est particulièrement accru entre 2013 et 2017 (passant de 5 à 9) ainsi que celui des galeries allemandes (de 9 à 16). L’accroissement progressif du noyau dur des galeries fidèles aux trois Bâle témoigne du succès rencontré par la foire pour élargir son réseau de collectionneurs grâce aux « délocalisations » effectuées.
Bien qu’elles s’ouvrent aux galeries asiatiques et latino-américaines, les foires Art Basel à Miami et à Hongkong offrent avant tout l’opportunité aux enseignes occidentales d’étendre leur pouvoir. En revanche, la présence des galeries asiatiques et latino-américaines dans la grande Foire de Bâle demeure encore réduite. Pourtant les collectionneurs européens ne pourraient que bénéficier de cette ouverture à la diversité.
Voir la liste des galeries des principaux pays ayant participé aux trois foires Art Basel en 2013 et 2017
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Art Basel, analyse d’une foire à succès
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°503 du 8 juin 2018, avec le titre suivant : Bâle, Miami, hong kong, un terrain de recherche privilégié