Après ses déboires successifs, ARCO, à Madrid, mise sur un nouveau démarrage avec la direction de Carlos Urroz. Il était temps. Après trois ans de lente dérive, qui s’est soldée l’an dernier par un vrai naufrage, la foire madrilène d’art contemporain ARCO veut se ressaisir.
MADRID - Son trentième anniversaire se déroulera sans trompettes ni flonflons. Mais les galeries ibériques qui avaient déserté le salon, à l’instar d’Helga de Alvear et de Luis Adelantado, ont décidé de soutenir le nouveau directeur, Carlos Urroz. Ce dernier sait qu’une foire ne peut changer totalement en un an. Mais l’objectif est de la remettre d’équerre. Tout d’abord en redonnant une taille humaine à l’événement, resserré sur cent quatre-vingts exposants et deux halls. Puis en ébarbant les activités superflues. Finies donc les tables rondes, dont la valeur pédagogique commençait à s’épuiser. Celles-ci sont remplacées par des rencontres professionnelles conçues à la manière de think tanks fermés au public. « Le côté éducatif avait un sens dans les années 1990, mais aujourd’hui beaucoup de musées font ce travail de formation. Ce n’est plus à la foire ou aux galeries de s’en occuper », indique Carlos Urroz.
Regagner le terrain latino
Abandonnant les secteurs jugés périphériques tels que la vidéo ou la performance, la foire s’articule désormais autour de trois programmes. La nouvelle section « Opening » accueillera quinze galeries âgées de moins de cinq ans, parmi lesquelles KOW (Berlin) et Crève-Cœur (Paris), cette dernière présentant un projet de l’artiste d’origine vénézuélienne Jorge Pedro Núñez… La galerie mise visiblement sur la clientèle latino-américaine, laquelle a pourtant progressivement déserté ARCO. Car au lieu de cultiver le lien hispano-américain, les précédentes directions de la foire s’étaient éparpillées en invitant l’Inde, la Corée ou Los Angeles. De fait, Art Basel Miami Beach a fini par faire main basse sur l’axe latino. Un terrain que Carlos Urroz entend regagner avec la section « Solo Projects », dédiée pour les trois prochaines années à la scène sud-américaine. Le nouvel arrivant préserve toutefois le concept de pays invité en accueillant la Russie. En outre, et contrairement aux années précédentes, les galeries du pays invité ne sont pas ostracisées dans un secteur. « L’idée d’échange ne fonctionnait pas, les gens n’y allaient pas dans l’esprit d’acheter. Et dans une foire, le voisinage est très important. Ces galeries peuvent profiter des collectionneurs des galeries espagnoles », explique Urroz. Bref, la nouvelle direction a bien élagué les choses.
Les résultats commerciaux suivront-ils dans un contexte de crise ? Avec une croissance nulle et un taux de chômage de 20 %, l’Espagne est dans le collimateur des agences de notation. Les institutions locales ont connu des coupes budgétaires de l’ordre de 20 à 40 %. Certains étrangers comme Eigen Art (Berlin) tentent malgré tout l’aventure. « La situation en Espagne est effrayante, mais l’an dernier nous avons bien fonctionné sans vendre à un seul Espagnol », affirme Joost Bosland de la galerie Michael Stevenson (Le Cap). Vétéran du marché espagnol, la galerie Lelong (Paris) répond également présent. « ARCO a toujours été une bonne foire pour nous, même au pire moment de la crise, qu’elle soit générale ou spécifiquement espagnole, constate Jean Frémon, codirecteur de la galerie. Bien sûr, on sent la différence, la situation économique n’est pas bonne, mais tous les hommes d’affaires espagnols ne travaillent pas qu’avec l’Espagne. »
Le goût ibérique actuel étant moins porté sur les grands maîtres tels Chillida, Tapiès ou Miró, Lelong mettra l’accent sur Jannis Kounellis, Günther Förg, Nancy Spero ou encore Leon Golub, lequel bénéficiera d’une rétrospective au Musée Reína-Sofía, à Madrid, en mai. Il faudra toutefois beaucoup de doigté à Carlos Urroz pour faire revenir les exposants étrangers. Marcel Fleiss (Paris) s’est ainsi retiré en invoquant « la faiblesse des deux dernières éditions et la mauvaise conduite de l’ancienne directrice, qui n’est jamais passée sur [son] stand ». De même, Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) a passé son tour au profit de la foire hongkongaise Art HK 11. « Nous y retournerons sans doute, mais il est difficile de le faire tant qu’on aura le sentiment que le niveau minimum de qualité n’est pas là », lâche-t-il. Wait and see.
16-20 février, Feria de Madrid, pavillon 7 et 9,www.arco.ifema.es , tous les jours 12h-20h.
Direction : Carlos Urroz
Nombre d’exposants : 180
Tarif des stands : 250 euros le mètre carré
Nombre de visiteurs en 2010 : 180 000
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ARCO 2011 : une foire de transition
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Abonnez-vous dès 1 €ARCO - Photo Richard Winchell - 2006 - Licence CC BY ND 2.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : ARCO 2011 : une foire de transition