PARIS [11.10.12] – Mercredi, à l’issue de la première réunion de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de budget de 2013, cette dernière a adopté l’amendement du député PS Christian Eckert visant à inclure les œuvres d’art de plus de 50 000 euros dans l’ISF. Une première étape significative, mais loin d’être déterminante car la proposition divise au sein même du gouvernement. Les parlementaires trancheront mardi prochain lors de l’examen du projet de loi de Finances 2013 en séance publique.
Après l’adoption de l’amendement dans la nuit du 10 au 11 octobre soumettant les œuvres d’art de plus de 50 000 euros à l’ISF, des collectionneurs à l’Elysée, les critiques fusent de toutes parts.
Côté gouvernement, exceptées quelques voix qui plaident en sa faveur – telle la ministre déléguée aux PME Fleur Pellerin qui avait évoqué, la semaine passée, la nécessité de taxer le « capital dormant » incluant celui des œuvres d’art - la plupart des poids lourds de la majorité ne cachent pas leur désapprobation. Le ministre du budget Jérôme Cahuzac a tenu à rappeler la ferme opposition du gouvernement dans une interview accordée au Monde jeudi. La porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem avait, pour sa part, déclaré la veille que la partie était loin d’être gagnée. La mesure n’en étant « qu’au stade parlementaire », il reviendra « au Parlement de décider », avait-elle fait valoir.
A l’instar de plusieurs de ses collègues, la ministre de la culture Aurélie Filippetti s’est également prononcée « en défaveur » de l’amendement mercredi. Quant au ministre du Travail Michel Sapin, « l’idée n’est pas bonne » selon lui, car elle inciterait au « départ vers l’extérieur d’une bonne partie du patrimoine français ». Rien ne sert de s’alarmer, a-t-il tenu à ajouter jeudi matin sur i>télé : « Dans ce débat … aussi vieux que l’ISF » - soit daté de plus de 30 ans depuis la mise en vigueur de l’IGF (ancêtre ISF) en 1982 sous la houlette du ministre du budget d’alors Laurent Fabius - « au bout du compte, ça se termine toujours de la même manière : c’est non ».
Galeristes, mécènes et collectionneurs sont naturellement vent-debout contre l’amendement. Pour le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, l’adoption d’une telle mesure aurait un double impact négatif : non seulement la France se « viderait de ses œuvres d’art », mais « artistes et collectionneurs » en viendraient à quitter le territoire.
Le président de Sotheby’s France – Guillaume Cerutti – a quant à lui, qualifié la mesure de « dangereuse ». S’il pointe la faiblesse du « bénéfice budgétaire pour l’Etat », il estime qu’« elle porterait atteinte à notre patrimoine, à nos institutions culturelles et au marché de l’art français», a-t-il souligné dans une tribune publiée par Les Echos mercredi. Avec entre autres conséquences : le dessaisissement massif des œuvres par leurs propriétaires achetées par des collectionneurs étrangers. Mais également, « l’exode fiscale vers des cieux plus cléments, notamment la Belgique ou la Suisse ».
Michel Gomez, le président du syndicat d’antiquaires SNCAO-GA a fait entendre l’inquiétude des professionnels du monde de l’art : « Cette politique préjudiciable risque de rendre encore plus inaudible le marché de l’art et accentuer la fuite des collections à l’étranger », s’est-il insurgé.
Malgré cette forte opposition, le député socialiste, à l’origine de l’amendement, n’en démord pas. Il a rappelé que la mesure exonérait les œuvres « mises à la disposition du public » et ne concernait que « ceux qui possèdent un patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros », exemptant par ailleurs artistes et professionnels du monde de l’art.
Il reconnaît la faiblesse budgétaire d’une telle mesure – soit un gain de « moins de 100 millions d’euros au budget de l’Etat » - mais fait valoir son intérêt « non pas tant dans sa portée financière que symbolique ». « Au moment où on a un déficit extrêmement important à combler, cela me paraît juste de solliciter les gens qui ont un patrimoine », a-t-il ajouté.
Jusqu’à présent, les œuvres d’art ont toujours été épargnées de l’assiette de l’impôt sur la fortune. Et les amendements n’ont jamais abouti. Dernier exemple en date : l’an dernier, le ministre de la Culture d’alors Frédéric Mitterrand avait battu le rappel contre l’amendement du député UMP Marc Le Fur, craignant que la mesure n’entraîne un « effondrement du marché de l’art ». Preuve du succès de la « riposte » de ce premier : la mesure avait été « enterrée ». Un scénario équivalent est donc à prévoir mardi prochain en séance…
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L’ISF et les œuvres d’art : un amendement qui a peu de chances d’être voté en séance
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