La Manufacture de Sèvres propose une sémillante exposition sur la céramique qui ravira les spécialistes autant que les amateurs.
Dans le texte qu’il produit à l’occasion du Salon de 1846, Charles Baudelaire observe que l’art moderne rassemble tout un lot de critères spécifiques parmi lesquels la couleur occupe une place prépondérante, et le poète conclut par une formule choc : « Que la couleur joue un rôle très important dans l’art moderne, quoi d’étonnant ? » En fait, à travers toute l’histoire de l’art, celle-ci n’a guère cessé d’occuper l’esprit des créateurs. Qu’on la retrouve en héroïne d’expériences diverses et nombreuses au Musée national de la céramique n’étonnera donc pas : plus qu’en un autre endroit, la couleur y occupe une place royale.
Par-delà le véritable parcours du combattant suivant lequel elle a été scénographiée, partagée qu’elle est entre les différents niveaux du bâtiment, l’exposition « L’expérience de la couleur », que présente la Manufacture de Sèvres dans le cadre des 40 ans du Centre Pompidou, est un vrai feu d’artifice. Relativement didactique, celle-ci aborde la question de la couleur sous un angle essentiellement sensoriel tout du long d’un ensemble de séquences mettant en exergue les créations réalisées in situ en jouant de leur confrontation à toutes sortes d’autres productions plastiques. Couleur-lumière, couleur-matière, couleur-geste, couleur-espace y déterminent des axes d’interprétation qui font écho à différentes approches thématiques.
Il en résulte une promenade qui n’est jamais ennuyeuse et qui rebondit d’une problématique à l’autre. Il faut en fait se laisser aller suivant son bon plaisir, sans avoir nécessairement le souci de tout vouloir voir – cela risquerait de finir par être un peu lourd – mais en se faisant happer ici et là par tel ou tel objet qui interpelle, telle ou telle œuvre qui interroge – et il n’en manque pas ! Le visiteur adorera par exemple le duo formé par La Bocca de Bertrand Lavier (2007) et l’Affectionate (Homage to the Square) de Josef Albers (1954), celui de Philippe Starck et de Georgia O’Keeffe ou encore cette superbe installation comme en hommage à Jacques Monory. Il aimera aussi le Lino de Niele Toroni (1965), le Petit Pan de mur jaune de Pierre Buraglio (2001-2002), l’ensemble tout de bleu subtil composé d’assiettes, d’un vase et d’une toile de Geneviève Asse.
Le spécialiste retrouvera, quant à lui, toutes les savantes et alchimistes expériences que la plupart des grands créateurs modernes et contemporains ont pu effectuer à Sèvres. Qu’il s’agisse de céramistes comme Bernard Lassus, de potiers comme Jean Girel, de designers comme Pierre Charpin ou de plasticiens comme Garouste & Bonetti. Que la couleur soit utilisée à l’état de pigment brut ou mixée avec toutes sortes de liants, qu’elle instruise toutes sortes de jeux de transparence, d’opalescence ou d’opacité, l’exposition de la Manufacture de Sèvres s’offre à voir comme une anthologie des possibles colorés dans une relation prospective entre la céramique et les autres modes d’expression. Pour preuve, ce monumental et troublant Tableau-écorché d’Hervé Quenolle (2012-2014) à la couleur sang de bœuf.
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La céramique haute en couleurs
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°708 du 1 janvier 2018, avec le titre suivant : La céramique haute en couleurs