Biennale

Boltanski en version optimiste

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2011 - 551 mots

VENISE / ITALIE

Emmené par Christian Boltanski, le pavillon français interpelle le visiteur sur la notion de chance et de hasard. Une réussite malgré une légère dilution du propos.

Lorsque la cloche retentit, audible tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pavillon français, nombre de visiteurs se pressant dans les Giardini, à Venise, marquent un temps d’arrêt. Stridente, elle est un rien stressante également, sorte d’alarme signalant un événement indéterminé. C’est ce marqueur sonore qui rythme le déroulé de « Chance », l’exposition de Christian Boltanski orchestrée par Jean-Hubert Martin.
Pièce maîtresse du dispositif qui envahit tout l’espace central de l’édifice, l’installation La Roue de la chance se montre paradoxale dans son rapport à une sonorité envahissante. En faisant en effet, à intervalles réguliers, cesser le bruit assourdissant des rotatives qui font circuler, à travers un maillage serré d’échafaudages, un large ruban orné de quatre cents portraits de nouveau-nés trouvés dans un journal polonais, elle instille le doute sur la nature de ce qui s’y joue en ordonnant l’arrêt de son cheminement. Une caméra, incluse dans la structure, se fixe alors sur le visage stoppé face à elle, que donne à voir un petit écran plasma perdu dans la structure. Cet « élu », qu’a-t-il perdu ou qu’a-t-il gagné ? Nul ne le saura jamais !

Sèche et avare de commentaires, l’installation est réussie grâce à cette rigueur dénuée d’anecdotes. Le public y déambule, englouti par la masse métallique sans que jamais cette dernière ne se montre agressive, inquiétante ou oppressante. Les obsessions de Christian Boltanski y sont concentrées, entre questionnements sur la vie et la mort, le déterminisme et le hasard, la place au monde ou la croyance… Le Français, qu’on a souvent perçu très pessimiste, offre là un visage plus optimiste. 

L’aléatoire tient lieu  de protocole
Cette question fondamentale de « l’élection », ou du choix opéré par des facteurs indépendants de la volonté de quiconque, est en outre très appuyée par le titre « Chance », qui, s’il tend à désigner, en français, un événement heureux se traduit en anglais par le terme de hasard, sans plus de connotation quant à la qualité de la fortune mentionnée : heureuse ou malheureuse ? Chance et hasard sont ainsi liés de manière inextricable. C’est aussi ce que tend à montrer, dans la salle du fond du pavillon, Être à nouveau, projection vidéo où l’aléatoire tient encore lieu de protocole. Découpés en trois bandes horizontales, les visages de soixante nouveau-nés polonais et cinquante-deux suisses décédés défilent à vive allure. Le visiteur peut presser un bouton qui interrompt pour un instant le processus en figeant l’image. Si un visage venait alors à se recomposer dans son entier, le spectateur gagnant remporterait une œuvre de l’artiste… 
Il est dommage que la cohérence de cet ensemble soit quelque peu remise en question dans les deux espaces latéraux, chacun occupé par un gigantesque compteur dénombrant, l’un, le nombre de naissances, et l’autre, le nombre de décès comptabilisés chaque jour dans le monde (Dernières nouvelles des humains). Certes, ils n’entrent pas en contradiction avec le propos ou avec la tonalité générale, mais ils n’apportent rien à l’ensemble et en diluent même un peu la force, la concentration.

TELECHARGER LE PLAN DE LA BIENNALE :
Le plan des manifestations de la 54e Biennale de Venise : Télécharger (PDF - 2 Mo)

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Boltanski en version optimiste

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