PARIS
PARIS - Derrière le nom du grand couturier qui donnera sans conteste à l’exposition « L’Orient des femmes vu par Christian Lacroix » la visibilité qu’elle mérite, il y a celui d’Hana Chidiac, responsable de l’unité patrimoniale des collections d’Afrique du Nord et du Proche-Orient au Musée du quai Branly.
C’est sous le commissariat de cette chercheuse d’origine libanaise que l’institution parisienne dévoile aujourd’hui son fonds de costumes féminins provenant de Syrie, de Jordanie, de Palestine et du désert du Sinaï, de la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Son dessein est d’amener le visiteur à porter un autre regard sur la femme orientale, que le fondamentalisme de ces vingt dernières années est venu recouvrir de noir et de gris des pieds à la tête, en lui présentant l’explosion de couleurs qui se jouait encore dans la garde-robe des paysannes et bédouines du Croissant fertile il n’y a pas si longtemps. La démonstration s’attarde sur la manière dont ces femmes se sont appliquées à broder leur vie. Héritières d’une tradition millénaire, elles commencent leur apprentissage dès l’âge de 6 ans auprès des femmes de leur famille, et s’emploient bientôt à confectionner un trousseau de mariage qui sera le fruit d’années de travail.
Créations uniques
Des environs de Damas à ceux de Jérusalem, les robes présentent, depuis la période abbasside (750-1258), une coupe uniforme et demeurée inchangée, en « T » évasé avec des manches parfois triangulaires, à l’aspect ailé. Chaque création n’en est pas moins unique, les couleurs vives et les riches broderies florales et géométriques nées sous l’aiguille les différenciant largement. Ces broderies constituent en outre un marqueur géographique : si Bethléem fait figure de chapelle de la mode rayonnant sur le reste de la région, chaque village n’en possède pas moins son vocabulaire décoratif. On retiendra quelques pièces fortes, comme la robe jordanienne surdimensionnée khalaga, nécessitant une véritable science de l’habillage qu’une vidéo vient expliciter.
Ces créations exceptionnelles prennent aujourd’hui le chemin des musées tandis que la tradition périclite. Hana Chidiac raconte ainsi sa rencontre avec une femme palestinienne, venue en 2007 vendre à la collectionneuse jordanienne Widad Kawar (prêteuse essentielle de l’exposition) la robe de fête qu’elle avait brodé des années plus tôt, arguant que les règles de l’Islam ne lui permettent plus de sortir avec des vêtements colorés.
Cette manifestation dresse un hommage sensible à la femme orientale qui, s’il n’est pas dénué de quelques poncifs et fantasmes, telles les citations ornant les murs extraites d’ouvrages d’écrivains orientalistes (Chateaubriand, Loti…), trouve toute sa résonance dans le choix des œuvres et le travail de scénographie exercé par Christian Lacroix. Ce dernier a su mettre son expérience au service du travail de ces femmes en ne laissant jamais sa voix de créateur célébré couvrir celle de ces artistes de l’ombre.
Commissariat : Hana Chidiac, responsable de l’unité patrimoniale des collections Afrique du Nord et Proche-Orient au Musée du quai Branly
Scénographie : Christian Lacroix, couturier (co-commissaire de l’exposition)
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Une affaire de femmes
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 15 mai, Musée du quai Branly, 37, quai Branly, 75007 Paris, tél. 01 56 61 70 00, www.quaibranly.fr tlj sauf lundi 11h-19h, les jeudi, vendredi et samedi jusqu’à 21h. Catalogue, éd. Actes Sud, 159 p., 32 euros, ISBN 978-2-7427-9407-2
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°341 du 18 février 2011, avec le titre suivant : Une affaire de femmes