La ministre d’État, garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie se prononce sur l’avenir de Drouot et du marché de l’art en France.
À la suite de l’affaire des commissionnaires de Drouot, vous avez commandé un rapport sur le fonctionnement de l’hôtel des ventes parisien, et plus largement sur le marché de l’art français…
J’ai effectivement demandé un rapport sur la façon d’assurer la compétitivité du marché de l’art en France. La question posée ne saurait se réduire à l’affaire qui touche l’hôtel des ventes Drouot. Au demeurant, il s’agit d’un dossier pénal sur lequel je n’ai pas à me prononcer. Le rapport a le mérite de souligner les atouts de la France sur le marché de l’art. Il constate aussi que notre compétitivité recule sur un marché de plus en plus soumis à la concurrence internationale. Enfin, j’ai été frappée de son analyse précise sur le poids des habitudes, pour certaines très anciennes, qui ne sont plus adaptées à cette concurrence. C’est, je pense, particulièrement le cas à Drouot.
Le 8 octobre, lors de la convention du Symev (Syndicat des maisons de ventes volontaires), vous avez énoncé des propositions pour redynamiser le secteur des ventes publiques. Quelles sont celles qui visaient spécifiquement Drouot ?
Il est primordial de restaurer l’image des maisons de ventes aux enchères. Pour cela, je veux que des règles claires permettent à leurs clients de continuer à leur faire confiance, à leur confier des objets à la vente et à participer aux enchères. Aussi je souhaite empêcher les conflits d’intérêt lors de ventes, rendre la société de ventes solidairement responsable du manutentionnaire qu’elle fait intervenir par exemple. Je veux enfin augmenter la traçabilité des objets confiés par un livre de police informatisé. Je suis persuadée que la loi n’est pas l’ennemie des marchés, au contraire. Des règles claires, comprises et appliquées par tous, contribuent à renforcer la transparence et la confiance.
Comment inciter une société de droit privé telle que Drouot à se moderniser ?
L’évolution de la structure juridique de Drouot appartient à ses actionnaires. Cela n’empêche pas les pouvoirs publics d’avoir une opinion sur le sujet. Je pense qu’une structure qui interdit aux personnes morales d’intégrer son capital et qui plafonne les droits de vote à 5 %, n’est pas, du fait de l’émiettement du capital qui en résulte, la mieux armée pour faire face à la concurrence internationale. Les responsables de Drouot viennent d’ailleurs déjà de réagir sur mes propositions ; j’attends les leurs.
Quel rôle doit jouer le Conseil des ventes volontaires, organisme qui n’existe qu’en France ?
Le Conseil des ventes volontaires constitue une exception française. Il a un rôle primordial dans la discipline des maisons de ventes. Je souhaite le renforcer en lui confiant la mission de travailler dès maintenant sur un code de déontologie. Tout professionnel doit avoir une idée précise des obligations professionnelles qui pèsent sur lui.
Pourquoi êtes-vous favorable aux ventes de gré à gré ?
Il est temps de sortir de l’hypocrisie. Donnons tout simplement à nos maisons de ventes les mêmes armes que leurs concurrentes anglo-saxonnes. À l’heure actuelle, la vente de gré à gré est autorisée par les législations d’autres pays. Cela peut conduire certaines personnes à confier leurs objets à des filiales installées dans les États concernés. Je sais que les galeries sont inquiètes de cette évolution. Néanmoins, je n’ai pas l’impression que le marché de l’art soit moins dynamique dans les pays où la vente de gré à gré existe.
Quelle est votre position sur le droit de suite ?
Le droit de suite, une idée française, a été repris par une directive communautaire. Néanmoins, le Royaume-Uni a obtenu une dispense. Nous nous trouvons ainsi face à une distorsion de concurrence sur un marché très mobile. Il est temps de réfléchir au maintien ou non de notre position face au droit de suite : je souhaite donc qu’un groupe de travail évalue les avantages et les inconvénients de cette évolution éventuelle. Je note que Frédéric Mitterrand [ministre de la Culture] a demandé en parallèle à la Commission européenne qu’une étude soit menée sur la mise en œuvre de la directive sur le droit de suite.
N’est-il pas utopique de penser que le marché de l’art français puisse retrouver son rang d’antan ?
Je ne me satisferai jamais du défaitisme en la matière : la France a des atouts extraordinaires. Il est de ma responsabilité d’aider à leur mise en valeur. Mais je n’oublie pas que ce sont les professionnels qui sont les premiers acteurs de la vitalité du marché de l’art.
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Michèle Alliot-Marie : « Des règles claires renforcent la confiance »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°333 du 22 octobre 2010, avec le titre suivant : Michèle Alliot-Marie : « Des règles claires renforcent la confiance »