Après le couac de la rentrée 2009, un rapport du Sénat édicte les règles à suivre en matière de transfert des monuments appartenant à l’État.
PARIS - Comme tous les ans, la grand-messe des Journées du patrimoine, placées sous l’égide d’un thème très classique choisi par le ministre en personne (les « Grands hommes », lire p. 6), devrait se dérouler sans encombre les 18 et 19 septembre. Mais les braises d’un sujet brûlant devraient toutefois être prochainement ravivées : celle de la dévolution des monuments historiques appartenant à l’État. En octobre 2009, Frédéric Mitterrand, ministre fraîchement nommé, avait eu l’occasion de goûter l’exaspération des parlementaires découvrant, dans le projet de loi de finances pour 2010, un texte (l’article 52) visant à accélérer le transfert de propriété des monuments appartenant à l’État sans prévoir de garde-fous. Après un débat et une réécriture à la marge du texte, celui-ci avait finalement été censuré par le Conseil constitutionnel (lire les JdA no 313, 13 novembre 2009, p. 9 et no 315, 11 décembre 2009, p. 10). Suite à cette tentative de passage en force du gouvernement, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat s’était mobilisée pour produire un rapport d’information consacré à l’avenir du Centre des monuments nationaux (CMN), dont l’équilibre financier, reposant sur un système de péréquation entre monuments, serait menacé par le transfert de certains biens dont il a la gestion. Piloté par la sénatrice de la Marne, Françoise Férat (Union centriste), et publié début juillet, il vient opportunément rappeler au ministère de la Culture les règles à suivre. Il sera suivi par une proposition de loi. Le ministère de la Culture s’est toutefois refusé à nous préciser si cette interprétation des règles de dévolution dicteront sa ligne de conduite.
Carences de mise en œuvre et de suivi
Car ce rapport – qui aurait dû émaner des services du ministère de la Culture – est d’une tonalité sans détour. « Il y a urgence à définir un principe de précaution pour la dévolution des monuments historiques », a prévenu Françoise Férat lors d’une conférence de presse. Sur la gestion du CMN, établissement en cours de réforme, les sénateurs apportent un satisfecit, rappelant que l’établissement public gestionnaire des monuments historiques appartenant à l’État « est un outil précieux au service d’une politique dynamique de protection de valorisation du patrimoine de l’État ». Mais sur le sujet de la dévolution, qui reste d’actualité après la rédaction d’une nouvelle proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par la députée Muriel Marland-Militello (UMP), le rapport déplore des carences dans la mise en œuvre et le suivi de la première vague de transferts, lancée en 2004, dont aucun bilan n’a été encore été publié. Les sénateurs préconisent de réactiver le dispositif créé en 2004 dans le cadre de la commission Rémond (du nom de l’historien ayant piloté le groupe de travail chargé de définir une liste de monuments transférables au regard de leur importance pour la nation), et de constituer une nouvelle commission du patrimoine monumental (CPM). Celle-ci aurait à traiter de « tous les lieux du patrimoine de l’État », c’est-à-dire des monuments historiques dépendant de tous les ministères et susceptibles d’être vendus au même titre que de simples bureaux, dans le cadre de la politique de cession des biens de l’État pilotée par l’agence France Domaines. Cela permettrait ainsi d’éviter une nouvelle affaire de l’hôtel de la Marine (place de la Concorde à Paris), immeuble que le ministère de la Défense tente de vendre au mépris de sa valeur patrimoniale. La CPM pourra émettre un avis sur les transferts et s’opposer à tout dépeçage par partie d’un monument, dans une philosophie proche de celle du rapport Rigaud sur l’inaliénabilité des œuvres d’art.
Les sénateurs ne s’opposent pas à une relance du transfert, mais voudraient imposer des délais très courts : dix-huit mois pour les appels à candidature et un laps de temps de dix ans entre deux vagues de dévolution. Cela, afin de garantir la « stabilité minimale du périmètre des monuments de l’État et donc le maintien des investissements nécessaires aux travaux de restauration ». Le texte préconise également d’imposer une obligation d’information précise envers les collectivités (état sanitaire du bâtiment, évaluation financière, listes des personnels transférés…), mais aussi d’affirmer le rôle prééminent du ministre de la Culture sur le sujet. Une dernière disposition qui n’aura de sens que si les titulaires de la Rue de Valois se décident à assumer pleinement leur rôle de garant du patrimoine national.
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Leçon de dévolution
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°330 du 10 septembre 2010, avec le titre suivant : Leçon de dévolution