Pierre Arizzoli-Clementel a été nommé conservateur général chargé de diriger l’ensemble des musées relevant de l’Union centrale des arts décoratifs (Ucad, Musée des arts décoratifs, Musée des arts de la mode et du textile, Musée de la publicité, Musée Nissim de Camondo). Âgé de 49 ans, auteur d’une thèse sur la céramique française, il était conservateur du Musée des arts décoratifs et du Musée des tissus à Lyon. Il remplace en particulier Danièle Giraudy, qui avait été désignée en 1991 à la tête du Musée des arts décoratifs, fleuron de l’Ucad. Dans un entretien accordé à l’historien de l’art Alvar Gonzalez-Palacios, Pierre Arizzoli Clementel annonce vouloir « remettre l’objet en vedette ». Il déplore que ce musée ait été « essentiellement un lieu d’expositions tous azimuts qui a sacrifié les collections permanentes ».
PARIS - Alvar Gonzalez-Palacios : Le Musée des arts décoratifs est un merveilleux musée, mais il est également un "cimetière", dont l’importante collection n’est pas toujours visible. Il a souffert d’un manque de crédits mais aussi d’intérêt. Quelle est sa situation actuelle ?
Pierre Arizzoli Clementel : Par chance, j’arrive à un moment où un très gros crédit de l’État est attribué pour faire une suite au Grand Louvre. Le musée étant situé dans l’aile Marsan, il bénéficie de son effet spectaculaire, de son déploiement. Aujourd’hui, beaucoup de pièces sont encore en réserve car elles ne sont pas restaurées. Jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de programme véritable de redéploiement de ces œuvres. Nous souhaiterions qu’il y ait une entière communication entre les Arts décoratifs et le Grand Louvre. Nous savons que cela prendra plusieurs années.
Il faut remettre l’objet en vedette. Nous avons l’intention de publier avec la Réunion des musées nationaux des catalogues sur les collections permanentes. Le problème est que le musée a été essentiellement un lieu d’expositions tous azimuts qui a sacrifié les collections permanentes.
Alvar Gonzalez-Palacios : Il faut que les musées européens décident de leur mission. Elle ne peut pas être uniquement l’exposition, sinon nous courrons le risque de délaisser l’histoire pour l’anecdote.
Pierre Arizzoli-Clementel : Le Musée des arts décoratifs possédera une salle à part pour les expositions temporaires.
Alvar Gonzalez-Palacios : Estimez-vous que la politique du Musée des arts décoratifs était trop orientée vers les créations contemporaines ?
Pierre Arizzoli-Clementel : Le musée doit consacrer une espèce de parcours du Moyen Âge à nos jours. Il faut montrer au public une progression des arts décoratifs non pas seulement française mais aussi européenne. Nous manquons hélas de surface, il y a 220 000 objets, ce qui est inouï. Aujourd’hui, tout est à reprendre. Il faut différencier le département des objets d’art du Louvre du Musée des arts décoratifs : le premier est composé de la collection royale augmentée de grands chefs-d’œuvre uniques. Les arts décoratifs sont une collection de séries, de mobilier bourgeois, de period rooms…, plus intimiste, qui compte aussi ses chefs-d’œuvre.
Alvar Gonzalez-Palacios : Dans un certain sens, ce qui est très intéressant au Musée des arts décoratifs, c’est que l’on aperçoit la vie quotidienne.
Pierre Arizzoli-Clementel : C’est la raison pour laquelle nous voulons insister sur les period rooms, où l’on montrera des choses inédites des années 1920-1930 jusqu’à nos jours. Cela sera intégré dans un circuit chronologique. Nous exposerons également du mobilier et des objets étrangers.
Alvar Gonzalez-Palacios : Quelles ont été votre formation et vos origines professionnelles ?
Pierre Arizzoli-Clementel : Je me suis toujours intéressé aux arts décoratifs, ce qui est peut-être curieux en France dans la mesure où, en général, il y a peu de spécialistes et de gens intéressés par les arts décoratifs. Ces derniers sont toujours considérés comme des arts mineurs. J’ai eu la chance, lors de ma formation, d’avoir un grand maître, André Chastel. Il était spécialiste de la Renaissance, mais s’intéressait aussi aux arts dits mineurs. Il m’a beaucoup encouragé dans cette ligne-là, qui n’était pas spécifiquement la sienne.
En 1983, on m’a proposé un poste au Musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon. Ce musée nécessitait une rénovation importante. Il m’incombait de remettre au niveau international un lieu très célèbre et des collections magnifiques. Ce lieu était un peu oublié et surtout mal entretenu. Je suis resté patron de cette maison pendant dix ans, mais avant de pouvoir constater des résultats, il a fallu observer un délai de quatre ou cinq ans. C’est seulement à ce moment que j’ai pu entreprendre la réfection de salles, et ceci grâce à la création, avec l’aide de l’État, d’un atelier de restauration qui était le premier du genre en France.
Ce musée appartient à la Chambre de commerce de Lyon. Dans l’histoire de l’institution que sont les Arts décoratifs, on trouve des industriels qui sont à la quête d’une nouvelle inspiration. Au milieu du XIXe siècle, toutes les Expositions Universelles montrent un défaut d’inspiration extrême parmi les fabricants de soieries, de bronzes et autres. Sous le Second Empire, on estime que pour lutter contre la concurrence anglaise, allemande et suisse, il faut trouver de nouveaux dessins, de nouveaux dessinateurs. Tous ces musées sont donc fondés comme des musées pédagogiques par les Chambres de commerce ou les industriels, tout comme en Grande-Bretagne.
Alvar Gonzalez-Palacios : Pourquoi les tissus ont-ils été délaissés par vos prédécesseurs ?
Pierre Arizzoli-Clementel : Ils étaient présentés comme des objets de référence. Ce n’est que récemment qu’on les a vus comme des objets d’art.
Alvar Gonzalez-Palacios : Peut-on considérer le Musée des arts décoratifs de Lyon comme le deuxième en France ?
Pierre Arizzoli-Clementel : Après Paris, oui. Mais Paris est un endroit à part car il y a tellement de collections à assimiler.
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Pierre Arizzoli-Clementel veut « remettre l’objet en vedette »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Pierre Arizzoli-Clementel veut « remettre l’objet en vedette »