La surprise a été grande dans le monde scientifique, lorsque le ministère de la Culture a annoncé les premiers résultats des analyses au carbone 14 précisant que les fresques ont été peintes 10 000 ans avant la date présumée (18 000 à 20 000 ans) d’occupation de la grotte de Chauvet-Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche). Une exposition présentant les peintures rupestres s’ouvre à Vallon-Pont-d’Arc.
PARIS - Douze analyses ont été effectuées par trois laboratoires : le Centre de faible radioactivité de Gif-sur-Yvette, le centre de datation par le radiocarbone de Lyon et le Research Laboratory for Archaeology and History of Art d’Oxford. Sur les huit échantillons provenant de la Grotte Chauvet, leurs résultats concordent et indiquent une fourchette de datation pour les peintures animales – deux rhinocéros et un bison – de 30 340 avant le présent – qui prend 1950 de notre ère pour année de référence –, avec une incertitude de plus ou moins 570 ans, soit entre 29 770 à 30 910, et une date de 32 410 (plus ou moins 720 ans), soit entre 31 690 et 33 130 ans avant le présent.
Le conseil scientifique, dirigé par Jean Clottes, est unanime : ces résultats obtenus par trois laboratoires distincts confirment une date d’environ 30 000 ans avant notre ère. La première attribution chronologique proposée par Jean Clottes, conservateur général du Patrimoine en charge des grottes ornées au ministère de la Culture, situait l’occupation autour de 18 000 à 20 000 ans de notre ère, en attendant que les recherches sur le contexte archéologique et les datations au radiocarbone puissent être effectuées.
Jean Clottes nuançait cette fourchette dans le compte rendu publié dans la réédition de "L’Art de la Préhistoire" de Leroi-Gourhan, où il se fonde sur des exemples connus.
Il écrit : "Certaines conventions (pattes en Y d’un bison, cornes en perspective frontale ou semi-frontale, et tête vue de trois quarts de plusieurs bisons), rappellent la grotte Cosquer ou Ebbou. L’animation, la qualité esthétique du rendu font parfois penser à Lascaux. C’est pourquoi, à titre provisoire, une attribution au solutréen, voire à une période légèrement plus tardive, est envisageable, dans une fouchette chronologique assez large, entre 17 000 et 21 000 ans."
Ces datations au carbone 14 apportent des indications nouvelles sur les périodes d’occupation de la caverne et l’incroyable richesse de l’art préhistorique. L’état exceptionnel de conservation de la grotte permettra aux préhistoriens d’approfondir ces données, obtenues sur un échantillonnage très limité, qui sera complété par des analyses sur les figures rouges et des datations sur les stalagmites. Elles confirment le remarquable talent des peintres de Cro-Magnon, qui ont su, bien plus tôt qu’on ne l’imaginait, développer un art pariétal élaboré, témoignage du développement de la pensée symbolique et des préoccupations religieuses de l’homme préhistorique.
Une présentation pour le grand public
Le ministère de la Culture, le conseil général de l’Ardèche et la commune de Vallon-Pont-d’Arc se sont regoupés pour financer l’exposition permanente qui vient de s’ouvrir à Vallon-Pont-d’Arc. La scénographie a été conçue par Frédéric Serre et son équipe du Service de muséologie du Musée de l’Homme ; ils ont disposé d’un budget de 760 000 francs.
Le public, qui ne peut visiter la caverne, dispose d’une représentation aussi complète que possible de la grotte Chauvet. Cinq espaces apportent des éléments sur les grandes étapes de l’occupation des gorges de l’Ardèche par l’homme des cavernes au paléolitique supérieur.
De l’Aurignacien, première grande civilisation (33 000 à 26 000 av. J-C.), au Magdalénien supérieur (10 000 à 8 000 av. J.-C.), elle retrace – par des panneaux et avec la présentation d’une importante sélection d’objets provenant du Musée de l’homme –, l’habitat, l’outillage et la vie quotidienne des hommes de Cro-Magnon. Elle propose une chronologie de l’art élargie à l’Europe, tenant compte des dernières datations obtenues pour les peintures.
La dernière section met en scène, dans une grotte "sanctuaire", de grands panneaux lumineux d’une quarantaine de photographies prises par Jean-Marie Chauvet, l’inventeur du site, allant des figures rouges aux gravures du panneau final des lionnes, commentés par Jean Clottes.
LA GROTTE CHAUVET-PONT-D’ARC: un sanctuaire paléolithique et l’art préhistorique des gorges de l’Ardèche Vallon-Pont-d’Arc, à côté de la mairie, tél. : 75 88 02 06)
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : La Grotte Chauvet prend un coup de vieux