Vous organisez jusqu’au 30 janvier 2010 une exposition d’artistes chinois au Musée des beaux-arts de La Havane, à Cuba. L’idée d’une telle confrontation est-elle politique ?
Je suis venu comme touriste pour la première fois il y a un an et j’ai eu un choc culturel en mesurant que toutes les informations que j’avais reçues depuis mon enfance étaient fausses. J’ai compris que Cuba ne se résume pas à une vision romantique de la révolution socialiste, mais qu’il existe une vieille histoire, un lien fort avec l’Europe, et une grande ouverture culturelle. Comme j’entretiens depuis plusieurs années le projet utopique d’un musée d’art contemporain itinérant, je me suis dit que la prochaine étape devait être Cuba.
Cuba n’a-t-elle pas plus d’affinités avec l’Amérique et l’Europe qu’avec la Chine ?
Culturellement, les deux pays n’ont rien à voir. La Chine est un empire fermé, dotée d’une culture indépendante. Il n’y a jamais eu de mélange avec le reste du monde. Mais la révolution a rapproché deux pays totalement différents. Lorsque Fidel Castro a choisi le camp russe, les relations sino-cubaines se sont interrompues en 1964-1965 avant de reprendre depuis cinq ou six ans. Après la crise des années 1990, Castro a cherché de nouveaux alliés, en particulier du côté de la Chine. Je ne tiens pas à comparer les artistes des deux pays, mais à les mettre côte à côte.
Dix pièces de l’exposition ont été censurées par le gouvernement chinois. La censure s’exerce-t-elle différemment en Chine et à Cuba ?
Lorsque j’ai commencé mon projet, j’ai réuni trente-huit artistes, comprenant des vedettes. Côté cubain, les autorités étaient ravies et m’ont donné carte blanche. On m’a prévenu que, dans la mesure où les relations sino-cubaines étaient bonnes, il ne fallait pas être provocateur. J’ai voulu montrer la diversité des artistes en évitant une crise diplomatique. J’avais déjà fait une autocensure. Mais lorsque l’ambassade de Chine à Cuba a compris qu’il s’agissait d’une exposition d’art contemporain et non de porcelaine ou de broderie, les choses se sont grippées. Il a fallu trouver un autre langage et la langue de bois les a calmés. Le ministère de la Culture en Chine a accepté l’exposition, mais il a estimé que les cinq sculptures de Zhang Xiaogang risquaient de nuire aux relations sino-cubaines car elles taquinaient les leaders chinois (lire p. 7). En comparaison à Cuba, il y a certaines tolérances. Les musées sont aussi professionnels et bien organisés, ce qui n’est pas le cas en Chine.
Vous avez monté une exposition du même ordre à Athènes et vous en préparez une autre à Alexandrie (Égypte). Choisissez-vous des villes périphériques parce que les grands centres occidentaux ont été saturés par l’art contemporain chinois ?
Depuis 1995, j’ai fait des expositions à travers la France et l’Europe. Mais on ne pouvait pas rester tout le temps dans le centre. Avec les périphéries, on peut encore partager des choses. Je veux chercher des pays à forte tradition culturelle, et où les gens peuvent encore être surpris. En Occident, on ne parle plus de la force de l’art, mais de la force du marché.
Après l’overdose de mauvais artistes que nous avons connue, l’art contemporain chinois usera-t-il de nouvelles cartes ?
Oui, il faudra repenser les expositions. J’attends de voir ce que donnent les nouveaux créateurs, nous n’en sommes qu’au début. Au cours de ces quatre dernières années, beaucoup d’artistes chinois ne discutaient plus d’art, mais parlaient de choses matérielles, de leur dernier achat de voiture. Il y avait une course à l’argent et à la réussite. La crise a calmé le jeu, les artistes ne sont plus sur leur petit nuage. On est à un carrefour. Heureusement, la hausse du marché n’a duré que deux ans et demi à trois ans. Si elle avait duré cinq ans, il y aurait eu une génération sacrifiée. Là, ils ne sont pas totalement gâchés.
Le quartier de galeries 798 à Pékin survit-il à la crise ?
Pendant les années de folie, beaucoup de gens ont pensé que diriger une galerie, c’était un métier facile. Depuis, la moitié des galeries de 798 a fermé. Beaucoup de petites structures n’étaient pas préparées à la crise. Pour ma part, j’ai connu une baisse du chiffre d’affaires de 50 %. Mais je suis prêt à tenir pendant trois ans. J’ai commencé très tôt, j’ai un réseau qui n’est pas seulement composé d’investisseurs chinois ou étrangers. Comme j’ai continué à faire des projets muséaux, les collectionneurs ont gardé leur confiance.
« Beijing-Havana New Contemporary Chinese Art Revolution », Cuba Museo de Bellas Artes, La Havane.
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Entretien avec Xin Dong Cheng, directeur de la galerie Xin Dong Cheng Space for Contemporary Art à Pékin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°314 du 27 novembre 2009, avec le titre suivant : Entretien avec Xin Dong Cheng, directeur de la galerie Xin Dong Cheng Space for Contemporary Art à Pékin