La convention Unesco de 1970 s’appliquera, comme prévu dans le texte, sans rétroactivité, dans deux mois, puisque la France a enfin déposé le 7 janvier les instruments de ratification. La nouvelle était attendue. Les commentaires qui l’entourent, sur les fichiers d’objets et le certificat de libre circulation, sont toutefois ambigus voire maladroits.
PARIS - On peut juger symbolique d’un consensus le fait que les instruments de ratification portent la double signature de François Mitterrand et de Jacques Chirac. La loi de ratification, votée en 1983, avait été promulguée par l’ancien Président. Il est revenu à son successeur de mettre un terme à treize ans d’atermoiements qui ont différé l’engagement de la France et dont le JdA a rendu compte à plusieurs reprises.
Contrairement aux craintes souvent exprimées, cette adhésion n’aura pas d’effets sensibles pour les professionnels français. En effet, dans la pratique, la France applique l’essentiel des préconisations de la convention. En outre, la transposition en droit français, en août 1995, de la directive communautaire sur la restitution des biens culturels illicitement transférés entre les États membres, a déjà intégré la France, à l’échelon de l’Union, dans un dispositif de restitution similaire à celui qu’avait institué la convention Unesco en 1970. Le texte communautaire est même plus exigeant pour les acheteurs, car il requiert la bonne foi "active" – ce qui ne figure pas dans le texte de l’Unesco – comme condition de leur indemnisation. Comme cela était clairement indiqué dans la convention – mais délibérément ignoré par ses détracteurs –, l’adhésion n’a pas d’effet rétroactif. Elle ne s’appliquera donc qu’aux transferts illicites postérieurs à avril 1997.
Cette adhésion complète le dispositif juridique de lutte contre les trafics de biens culturels, qui devrait être complet lorsque la mise en force de la convention Unidroit permettra de régler les problèmes de droit international privé que peuvent soulever les procédures de restitution. Elle réintègre la France dans le groupe des États qui se donnent les moyens de lutter contre les trafics.
Le Conseil international des musées (Icom) se félicite de cet engagement et souhaite que la France l’intensifie, en particulier par des mesures d’urgence de contrôle des importations de biens culturels des États particulièrement menacés, par la ratification de la convention Unidroit, la promotion d’une déontologie professionnelle, le développement des inventaires, enfin, par une politique de sensibilisation du grand public.
Dans un communiqué, le ministère de la Culture tire une conséquence pratique de cette adhésion en appelant au développement rapide d’un système d’identification par marquage des objets. Cette question récurrente a un caractère technique – de nombreux moyens ont été proposés, certains ont même été mis en œuvre dans des musées ou chez les collectionneurs –, mais également politique : il s’agit de savoir dans quelles conditions, sous quels contrôles et avec quels droits d’accès doivent être constituées les bases de données informatiques permettant de donner leur réelle efficacité aux marquages. Les contraintes policières sont évidemment premières : les fichiers comportent des objets, mais également des informations sensibles sur les propriétaires et les malfaiteurs.
De plus, il est difficile de savoir – à supposer résolue la question d’un accès informatique cantonné aux seuls objets – si les voleurs et les receleurs ne seraient pas les premiers utilisateurs d’accès leur permettant de savoir si leur butin est sous surveillance. Une solution pourrait résider dans un contrôle d’accès strict, imposant l’identification des demandeurs. Dans cette hypothèse, les professionnels auraient peut-être un rôle à jouer.
En attendant, une première expérience d’interconnexion entre la base Trema de l’OCRVOOA (Office central de répression du vol d’œuvres et d’objets d’art) et les services des Musées de France serait en cours. De façon maladroite, le communiqué fait également allusion au projet de modification du système de contrôle français. Le système français actuel de certificat de libre circulation est en effet conforme aux préconisations de l’Unesco. En procédant à l’amalgame entre la convention Unesco et les questions franco-françaises posées par la diminution des crédits d’acquisition et le déséquilibre du système de contrôle, exacerbé par l’affaire Walter, on prend le risque de faire des conventions internationales le bouc émissaire des incapacités hexagonales.
Unesco et Unidroit
La convention Unesco, qui tranche des questions de droit international public, réserve aux seuls États les actions en revendication, même s’il s’agit de biens culturels à l’origine en mains privés. La convention Unidroit s’attache aux questions de droit privé résultant d’actions en revendication. Elle permettra une action directe des propriétaires privés.
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La France adhère enfin à la convention Unesco
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Abonnez-vous dès 1 €Pour la première fois, une décision de justice américaine a été prise en vertu de la convention Unesco, adoptée par les États-Unis en 1983. Volée en avril 1988, cette sculpture romaine représentant Artémis, du Ier siècle après J.-C., a aujourd’hui réintégré le couvent Maria Immaculata de Pouzzoles, près de Naples. La sculpture, acquise à Londres chez Sotheby’s par le marchand anglais Robin Symes, avait été revendue au marchand américain Richard Feigen. Au mois d’octobre 1995, les autorités italiennes avaient reconnu la pièce dans le catalogue d’une vente organisée en juin par Sotheby’s à New York et en avaient immédiatement exigé la restitution.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : La France adhère enfin à la convention Unesco