Après plusieurs années fastes, la foire londonienne Frieze Art Fair fait les frais de la crise économique mondiale. Les désistements en masse font pourtant le bonheur de plusieurs jeunes galeristes qui gagnent ainsi leur ticket d’entrée à la manifestation.
LONDRES - Ces cinq dernières années, Londres jouait sur du velours. Sa fiscalité avantageuse pour les résidents étrangers avait provoqué un afflux massif de riches Russes et Moyen-Orientaux. Gagnant du muscle sur le plan économique, l’Angleterre a aussi pu imposer ses orientations au monde de l’art, en remettant en selle Francis Bacon ou en sacralisant Damien Hirst, dont le plus grand supporteur n’est autre qu’un Ukrainien, Victor Pinchuk. La crise financière mondiale et la dévaluation de la livre sterling ont eu raison de cette belle assurance. C’est dans ce contexte en berne que s’organise la prochaine édition de la foire Frieze du 15 au 18 octobre. Après avoir surfé pendant six ans sur le boom du marché de l’art, ce salon a été pris de court par la récession. Trente-six galeries présentes l’an dernier se sont désistées, dont un tiers d’Américains, à l’instar des New-Yorkais Friedrich Petzel, Tanya Bonakdar ou Andrew Kreps. « Nous avons connu pas mal de nuits blanches, admet Matthew Slotover, codirecteur de la foire. Lorsque nous avons ouvert les candidatures entre décembre et février, les galeristes estimaient ne pas pouvoir se décider. Ils disaient n’avoir pas de visibilité jusqu’en octobre. » Certains habitués parisiens comme Art : Concept et Chantal Crousel font aussi faux bond, préférant porter leurs efforts sur la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), organisée la semaine suivante à Paris. « On ne participe pas pour des questions de conjoncture, confie Niklas Svennung, codirecteur de la galerie Crousel. Au printemps dernier, j’avais constaté que l’état d’esprit avait pris un sacré coup en Angleterre. Déjà en octobre 2008, le château de cartes commençait à trembler. » D’autres ne se sont inscrits que tardivement, après moult réflexions. Emmanuel Perrotin (Paris), qui avait pourtant déclaré l’an dernier ne pas faire Frieze pour se concentrer sur la FIAC, récidive finalement en proposant trois sculptures de Xavier Veilhan liées à sa prestation au château de Versailles (lire le JdA no 308, 4 septembre 2009, p. 43).
Les attraits de Londres
La défection de certaines enseignes américaines et allemandes a ouvert la voie à de nouveaux venus comme The Third Line (Dubaï), présente avec un solo show de Farhad Moshiri, ou Frank Elbaz (Paris). « Dans le “new deal” actuel, il y a des places à prendre à l’international », souligne ce dernier, avec à l’affiche une exposition monographique de Wallace Berman. « Frieze reste encore une étape importante dans le calendrier. Maintenant que la porte s’ouvre, je ne vais pas refuser de la faire. » Même son de cloche du côté de Denis Gaudel, de la galerie Gaudel de Stampa (Paris). Celui-ci fait son entrée avec un solo show d’Ida Ekblad dans la toute nouvelle section « Frame » dédiée aux jeunes galeries. « Même si, en France, on reproche à la foire d’être branchée, de surfer sur les artistes dont on parle, elle est très respectée par les galeries de ma génération, indique le jeune galeriste. La visibilité auprès des curateurs et conservateurs du monde entier y est excellente. » La plateforme « Frame » a permis à Laura Bartlett (Londres), transfuge de la foire off Zoo, d’entrer dans la cour des grands avec une exposition personnelle de Cyprien Gaillard. Schleicher Lange (Paris) expose pour sa part Laurent Montaron tandis que Balice Hertling (Paris) donne carte blanche à Isabelle Cornaro. « Cela aurait été trop facile de faire Frieze avec un artiste étranger. Nous voulions exposer une artiste française à Londres pour voir la réaction, souligne Daniele Balice. On va voir si le fait qu’elle ait exposé à la Kunsthalle de Düsseldorf change quelque chose pour le public de la foire. » Reste une inconnue de taille : les acheteurs seront-ils prêts à ouvrir leurs portefeuilles ? « Les gens peuvent encore dépenser dix mille livres sterling [plus de 11 000 euros], affirme Matthew Slotover. En juin, la Foire de Bâle a envoyé des signaux positifs. On sent moins l’esprit apocalyptique. Le fait que la livre sterling soit plus faible rend Londres plus attirante, puisque tout est 20 % à 30 % moins cher. » La copieuse programmation muséale londonienne, qui va de John Baldessari à la Tate Modern à Ed Ruscha à la Hayward Gallery en passant par Anish Kapoor à la Royal Academy of Arts, pèsera aussi dans le déplacement des collectionneurs.
FRIEZE ART FAIR, 15-18 octobre, Regent’s Park, Londres, www.friezeartfair.com, les 15, 16 et 17 octobre 11h-19h, le 18 octobre 11h-18h.
FRIEZE ART FAIR
Directeurs : Amanda Sharp et Matthew Slotover
Nombre d’exposants : 163
Tarif du stand au mètre carré : 249 livres sterling (279 euros)
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Abonnez-vous dès 1 €Légende Photo : Entrée de la Frieze Art Fair (2008) © LudoSane
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°310 du 2 octobre 2009, avec le titre suivant : Coup de frais sur Frieze