Consacrée aux « Trésors des Médicis », la prochaine exposition du Musée du Luxembourg, à Paris, est menacée par un conflit d’intérêt qui oppose les gestionnaires du lieu. Le Sénat devra arbitrer rapidement ce différend au risque de se brouiller avec les autorités italiennes qui ont accepté de prêter nombre de chefs-d’œuvre.
PARIS - Alors que l’exposition « Vlaminck » bat son plein, les coulisses du Musée du Luxembourg frémissent depuis plusieurs semaines de mille bruits de couloirs. En pleine négociation pour l’exposition d’automne consacrée aux « Trésors des Médicis », Patrizia Nitti, en charge du projet, est en conflit ouvert avec le concessionnaire du lieu, Sylvestre Verger et sa société SVO Art. D’après les informations publiées dans le quotidien Le Monde du 11 avril, ce litige porterait sur des commissions non versées. Un audit du musée a été diligenté par le Sénat. Yves Marek, conseiller pour la Culture du président du Sénat, Christian Poncelet, depuis 1998, a, par ailleurs, été démis de ces fonctions le 14 février.
Après le départ bruyant, en 2002, de l’un des protagonistes du renouveau du Musée, Marc Restellini, qui dirige désormais la Pinacothèque de Paris, le torchon brûle à nouveau entre les animateurs du lieu et le Sénat. Le mode de gestion du musée semble être directement à l’origine de cette situation. En 1998, quand Alain Méar, alors directeur de cabinet de Christian Poncelet, et Yves Marek négocient avec le ministère de la Culture pour récupérer la gestion du moribond Musée du Luxembourg – en réalité un simple lieu d’exposition –, leur intérêt croise celui de Marc Restellini, commissaire indépendant qui cherche alors un endroit pour présenter à Paris la collection Rau. De son côté, le Sénat a défini avec Patrizia Nitti, très introduite auprès des musées italiens, les lignes directrices de la programmation du lieu : l’art de la Renaissance italienne et l’art moderne. Pour monter l’affaire et assumer le risque financier, le Sénat désigne en 2000 un attelage à trois : Patrizia Nitti pour la partie Renaissance, Marc Restellini pour l’art moderne et Sylvestre Verger, transporteur d’art, qui devient producteur délégué des expositions, en charge de la logistique et de l’administration. Les trois nouent alors des accords de production, définis à chaque exposition dans le cadre d’une société en participation, et se partagent les bénéfices. Avec 300 000 visiteurs, l’exposition de la collection Rau signe d’emblée la renaissance du musée.
Droits d’itinérance
Pourtant, dès mars 2002, la donne change. À cette date, le Sénat signe directement avec SVO Art une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du Musée du Luxembourg contre le versement d’une redevance sur le produit des expositions. En 2003, ce sont ainsi plus de 350 000 euros qui ont été reversés au Sénat. Le choix du régime de l’AOT, au lieu de la traditionnelle délégation de service public, étonne alors les observateurs. Équivalent au bail précaire délivré à un simple marchand de crêpes du jardin du Luxembourg, il évite le recours à l’appel d’offres et permet de jouir d’une grande liberté d’action. À condition que les parties s’entendent. « Raphaël » en 2002, conçue par Patrizia Nitti, puis « Modigliani » en 2003, montée par Restellini, confirment les premiers succès. Un conflit éclate alors entre Verger et Restellini sur les droits moraux de l’itinérance de l’exposition « Rau ». Restellini est débouté de sa requête en 2007 par le tribunal de grande instance de Versailles. Après le succès de deux expositions italiennes en 2006 et 2007 (« Titien » et « Arcimboldo »), le même scénario est-il en train de se reproduire entre Verger et Nitti ? Patrizia Nitti, soutenue par les autorités italiennes, a engagé un bras de fer. De son côté, Sylvestre Verger brandit sa convention qui vient d’être renouvelée jusqu’en 2012, cette fois-ci après appel d’offres. Celle-ci décrirait les missions incombant à SVO Art : organiser, produire les expositions et en désigner le comité scientifique. En d’autres termes, Patrizia Nitti serait sous ses ordres. Or, cette dernière aurait été nommée par le président du Sénat et n’aurait aucun lien de subordination avec Sylvestre Verger. Le président du Sénat, qui se refuse à toute déclaration, va donc devoir trancher. En évitant l’incident diplomatique avec les autorités italiennes, qui observent avec stupéfaction cette curieuse cuisine autour des chefs-d’œuvre de leur patrimoine.
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Imbroglio au Musée du Luxembourg
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Imbroglio au Musée du Luxembourg