Le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg et le Casino Luxembourg proposent simultanément deux expositions de stanley brouwn, l’un des artistes les plus importants de l’art conceptuel européen. Deux manifestations qui ne font pas dans la demi-mesure.
STRASBOURG - Radical dans son attitude et dans son œuvre, stanley brouwn est un artiste qui n’y va pas par quatre chemins. Ou si, justement, puisque, au début des années 1960, ce dernier demandait aux passants de lui dessiner sur une feuille de papier l’itinéraire qu’il devait emprunter pour rejoindre un lieu dans la ville. Le Musée de Strasbourg présente ainsi sous vitrine quelques-uns de ces tracés pour le moins flous réalisés dans les rues d’Amsterdam, une série au nom évocateur : This way brouwn. On retrouve d’ailleurs l’artiste dans la même ville, mais aussi à Paris ou Berlin, dans une vidéo de 1988 montrée au premier étage de l’institution alsacienne et dans laquelle brouwn re-présente un ensemble de pas soigneusement comptés qu’il a parcouru sur les trottoirs de chacune de ces métropoles. Son art épuré dans sa présentation – des étalons de métal, des cubes en bois installés sur des plateaux reposant sur des tréteaux – joue en effet sur la mesure, sur la distance, donnant forme à ce qui le sépare de son environnement, concrétisant son rapport au monde et à ses habitants. L’artiste ne cesse ainsi de décliner des unités en vigueur ou tombées en désuétude, comme le mètre, la coudée, le pas, le pied, dans toutes leurs variantes régionales. L’exposition strasbourgeoise, certainement la plus importante jamais consacrée à l’artiste dans notre pays, réunit un ensemble de ces étalons présentés comme des pièces à conviction d’une possible et illusoire quantification de notre rapport à tout corps étranger, vivant ou non. L’artiste joue alors sur un double paradoxe. Son art ne peut s’envisager que dans l’exactitude. Mais en multipliant les référents, il semble constamment remettre en question leur bien-fondé, comme si la vérité résidait non pas dans l’unité de mesure elle-même, qui par nature relève de conventions, mais dans son utilisation.
Se confronter à l’œuvre
Au Casino Luxembourg, où il a réalisé une installation spécifique dans l’ensemble du centre d’art, l’artiste interroge à nouveau cette question de l’unité. Dans le hall d’entrée, il a placé sur une table une bande en aluminium d’un mètre de long qu’il considère comme l’étalon de mesure pour la construction du bâtiment. stanley brouwn a ensuite disposé au centre des salles de l’institution des cubes qui représentent des unités de mesures autrefois en vigueur dans différentes villes d’Europe. Derrière cette œuvre à la logique implacable servie par une mise en espace rigoureuse, voire rigoriste, se cache un artiste des plus discrets, qui dissimule depuis quarante ans tout élément biographique. À l’image d’un On Kawara, stanley brouwn n’assiste pas à ses vernissages, s’éclipsant pour ne pas parasiter ce qu’il estime être essentiel : la confrontation de l’œuvre et du visiteur.
- STANLEY BROUWN, jusqu’au 22 avril, Musée d’art moderne et contemporain, 1 place Hans-Jean-Arp, Strasbourg, tél. 03 88 23 31 31, tlj sauf lundi, 11h-19h, jeudi 12h-22h. Fermé le 13 avril ; et aussi jusqu’au 29 avril, Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, 41 rue Notre-Dame, Luxembourg, tél. 352 22 50 45, tlj 11h-18h, Jeudi 11h-20h
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Une œuvre étalon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°123 du 16 mars 2001, avec le titre suivant : Une œuvre étalon