États-Unis - Musée

Deaccessioning

Le MoMA remodèle ses collections

Par Jason Edward Kaufman · Le Journal des Arts

Le 30 avril 2004 - 845 mots

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Lors des vacations de mai à New York, le Museum of Modern Art met en vente neuf œuvres signées Chagall, De Chirico, Léger, Magritte, Picasso et Pollock.

NEW YORK - Le Museum of Modern Art (MoMA) s’apprête à se défaire de plusieurs œuvres de sa collection permanente à l’occasion des grandes ventes aux enchères du printemps à New York (lire aussi p. 25). Le directeur du célèbre musée américain semble s’adonner régulièrement à cette pratique, usuelle sans être consensuelle, du deaccessionning.

Ainsi, les 4 et 11 mai, chez Christie’s, seront mises en vente neuf œuvres d’art provenant de la collection permanente du MoMA. D’après l’estimation de la maison de ventes, les tableaux signés Chagall, De Chirico, Léger, Magritte, Picasso et Pollock pourraient rapporter un total de 27,9 millions de dollars (23,26 millions d’euros).

C’est de manière ostensible que l’institution new-yorkaise entreprend de récolter les fonds qui financeront de nouvelles acquisitions ; celles-ci viendront rejoindre les cimaises fraîchement inaugurées du bâtiment historique du MoMA, qui rouvrira à l’automne à Manhattan après rénovation et extension (lire l’encadré). Mais la décision de se séparer de tableaux qui s’intégraient parfaitement à l’accrochage de la collection du musée est susceptible de déclencher une controverse.

En effet, les musées américains qui ont usé de cette pratique du deaccessioning ont déjà suscité l’indignation. Lorsque, dans les années 1970 l’ancien directeur du Metropolitan Museum of Art, Thomas Hoving, avait proposé de vendre plusieurs œuvres parmi lesquelles une toile d’Ingres, les critiques avaient fini par faire avorter le projet. En 1990, le jour où le Guggenheim Museum, toujours à New York, cédait plusieurs œuvres aux enchères – dont un Modigliani et un Kandinsky –  afin d’acquérir la collection Panza di Biumo, la réaction des détracteurs avait été très violente. Neuf ans plus tard, le quotidien américain Wall Street Journal s’en est sévèrement pris au directeur du Guggenheim Museum, Thomas Krens, quand celui-ci s’est lancé dans une nouvelle opération de deaccessioning destinée à alimenter un fonds d’acquisition. L’American Association of Art Museum Directors (l’Association américaine des directeurs de musées d’art) a même diligenté une enquête sur Thomas Krens sans avoir seulement visé la liste des œuvres vendues. Cette nouvelle initiative de deaccessioning par le MoMA pourrait ainsi provoquer une nouvelle contestation.

Une chose est sûre : cette vente n’est ni la première ni la dernière pour le musée. En 1998, l’artiste Michael Asher publiait un pamphlet où figurait la liste des milliers d’œuvres revendues par le MoMA depuis sa fondation en 1929. Parmi les nombreuse pièces citées, huit étaient de la main de Cézanne, quatre de Kandinsky et neuf de Matisse. Depuis, le directeur Glenn Lowry se sépare régulièrement d’œuvres de la collection. Parmi ces reventes, Polo Crowd (1910), de George Bellows, a été adjugée 27,5 millions de dollars chez Sotheby’s en 1999, un record aux enchères pour un tableau américain, et Homme à la guitare (1913), de Pablo Picasso, confié aux bons soins du marchand new-yorkais Larry Gagosian, a été racheté par un membre du conseil d’administration du MoMA, Samuel I. Newhouse Jr, en 2000 ; cet achat, qui lui aurait coûté 10 millions de dollars, a d’ailleurs valu à M. Newhouse sa démission du conseil. En 2001, le MoMA a revendu 350 photographies chez Sotheby’s pour 4 millions de dollars, un record aux enchères pour une collection de photographies issues d’un propriétaire unique ; en 2003, l’œuvre Maisons sur la colline, horta de Ebro (1909) de Picasso était rachetée par le marchand berlinois Heinz Berggruen tandis que Dog (1952), de Francis Bacon, a été acquis par le marchand londonien Gerard Faggionato.

Si les conservateurs du MoMA déclarent qu’aucune opération radicale de revente n’est en préparation, rares sont les musées à se défaire d’autant de pièces de si grande qualité à un rythme aussi soutenu. Concernant la vente à venir, le conservateur en chef du musée, John Elderfield, justifie la décision du musée : « Le MoMA revend de façon régulière des œuvres qui sont moins essentielles à ses collections de manière à acquérir des œuvres plus importantes. Cette politique fait partie intégrante du processus d’élaboration et d’affinement des collections depuis la création du musée. » Les ventes de 2003 ont par exemple permis l’acquisition d’un dessin de Jasper Johns, Diver, de la Femme enceinte de Picasso et d’un triptyque de Francis Bacon.

Le musée rouvre en novembre

Depuis quelques mois, le MoMa subit une transformation en profondeur imaginée par l’architecte Yoshio Taniguchi. Le bâtiment historique de la 53e Rue va doubler sa surface d’exposition pour améliorer son accueil du public, développer ses programmes éducatifs et optimiser le cadre des recherches scientifiques. Sa réouverture est prévue pour le 20 novembre 2004. Depuis la mi-2002, date de début des travaux, le MoMa est installé dans le quartier de Queens, à New York, où l’exposition « Matisse-Picasso » a remporté en 2003 un franc succès. Jusqu’au 19 septembre, le musée new-yorkais crée l’événement à Berlin avec une exposition de quelque 200 chefs-d’œuvre de ses collections à la Neue Nationalgalerie, manifestation qui a déjà attiré plus de 100 000 visiteurs au cours des vingt premiers jours d’ouverture.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°192 du 30 avril 2004, avec le titre suivant : Le MoMA remodèle ses collections

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