Australie - Musée

Sydney

La renaissance du MCA

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 21 octobre 2005 - 1156 mots

SYDNEY / AUSTRALIE

Le Musée d’art contemporain de Sydney revient de loin. En six ans, sa directrice, Elizabeth-Ann MacGregor, a redressé l’institution.

SYDNEY - Pour la première fois de son existence brève et agitée, le Musée d’art contemporain de Sydney (Museum of Contemporary Art, MCA) vient d’ouvrir des salles destinées à la présentation de sa collection permanente. Après cinq ans d’interruption, il a également recommencé à acquérir des œuvres d’artistes vivants. Pour sa directrice, nommée en 1999, « c’est un pas décisif ». Depuis qu’elle est à la tête du musée, Elizabeth-Ann MacGregor a réduit les tarifs d’entrée, porté le nombre de visiteurs de moins de 100 000 à plus de 300 000, et amélioré nettement la situation financière du musée.
Cette institution a été créée en 1989 grâce à des fonds provenant du legs J. W. Power, géré par l’université de Sydney. Cette dernière, qui versait environ 6 % de son budget annuel au MCA, aurait dépensé 17,6 millions d’euros afin d’en assurer la survie avant d’en céder le contrôle à la municipalité de Sydney, en 2001. À l’époque où E.-A. MacGregor fut nommée, l’université était arrivée au terme de son engagement financier, après avoir progressivement réduit ses versements ces dernières années. En 2002, la gravité de ses difficultés financières a contraint le musée à arrêter net ses acquisitions.
Avant d’arriver à Sydney, Elizabeth-Ann MacGregor avait été en poste à l’Ikon Gallery, le centre d’art contemporain de la ville de Birmingham (Angleterre). Éloquente et perspicace, habile négociatrice, elle a le don des relations publiques. Quand elle a pris la direction du musée, les administrateurs l’ont informée de l’ampleur des difficultés du MCA, privé de directeur depuis un an. L’équipe était démoralisée. « Les administrateurs s’étaient occupés des problèmes financiers immédiats sans pouvoir traiter des questions à long terme, qui exigent des financements stables », explique-t-elle. Le musée, selon E.-A. MacGregor, « avait été catalogué comme une institution élitiste en faillite ». Il était effectivement en faillite financière, et, quand on abordait en public la question, le débat tournait rapidement à la polémique. Le jour où le gouvernement de l’État de Nouvelle-Galles du Sud, en pleine crise des mineurs de charbon, débloqua un petit fonds de secours pour empêcher le musée de fermer, un journal local titra en « une » : « L’argent va aux branleurs, pas aux mineurs ! ».
E.-A. MacGregor confie qu’en dépit des risques encourus elle a pris plaisir à combattre l’antipathie des médias et du public à l’égard du musée. Consciente de la crainte du gouvernement de paraître soutenir une institution « élitiste », elle s’est attachée à démontrer que le musée pouvait attirer un public plus vaste.

Accessibilité
Bien que situé entre l’Opéra et le Harbour Bridge, au cœur du Sydney touristique, le MCA devait pourtant déployer des moyens pour séduire les visiteurs. « La difficulté, explique la directrice, était que l’intensité du vitriol déversé sur le musée avait fait plonger la fréquentation. C’était un cercle vicieux. » Sa recette ? « Accessibilité, sans cesse et encore. Au point qu’on m’en a fait le reproche. Certains disent : “L’art c’est l’art, vous n’avez qu’à accrocher des œuvres valables et le public viendra.” Foutaises ! Il ne viendra pas s’il pense entrer dans une institution qui va le traiter de haut ou ne pas lui donner le sentiment d’être le bienvenu. »
Depuis son arrivée, le musée a considérablement enrichi son programme d’expositions.
E.-A. MacGregor a organisé une suite de rétrospectives d’artistes internationaux de premier plan – Ed Ruscha, William Kentridge, Bridget Riley et Kutlug Ataman – réalisées en collaboration avec les artistes eux-mêmes. Cette démarche a non seulement contribué à réduire les coûts, mais elle a permis au public de voir des œuvres provenant souvent de l’atelier ou de la collection personnelle de l’artiste. « Avec Ed Ruscha, certains nous ont dit : “Vous n’avez pas de pièces venues de grandes collections comme le MoMA [Museum of Modern Art].” Mais ce que nous avons obtenu d’Ed a compensé largement la différence. Je pense qu’on a une expérience d’un autre genre quand on implique l’artiste. » Avec l’aide d’un sponsor, le géant australien des télécommunications Telstra, le musée a supprimé les droits d’entrée pendant toute la durée de la Biennale de Sydney en 2000. La sélection des artistes avait été assurée par une équipe de commissaires renommés, comprenant Nicholas Serota, Robert Storr et Harald Szeemann, et la directrice croyait au succès. Et c’en fut un sur le plan de la fréquentation. Le gouvernement des Nouvelle-Galles du Sud restait pourtant réticent sur le financement de l’institution et il demanda au conseil municipal de s’associer à l’administration du musée. Mais lorsque le lord-maire de Sydney prit la décision de faire raser le musée pour le reconstruire, la presse se déchaîna, et le projet fut abandonné. La semaine suivante, E.-A. MacGregor recevait un coup de téléphone du cabinet du Premier ministre des Nouvelle-Galles du Sud lui annonçant une aide pour le MCA. Le gouvernement promettait l’équivalent de 12,5 millions d’euros répartis sur cinq ans.

Nouvelle vie
Aujourd’hui, les rentrées financières du MCA proviennent de trois sources à peu près équivalentes : un tiers vient du secteur public – principalement du gouvernement de l’État –, un autre des revenus du bâtiment lui-même dont une partie est louée pour des réunions ou occupée par de nombreuses boutiques, et le dernier tiers est apporté par les sponsors et les donations.
Pour la première fois en cinq ans, le musée dispose des ressources nécessaires pour ses acquisitions. Ses achats se concentreront sur l’art australien contemporain. « Nous devons collectionner parce que c’est ce qui nous définit. Nous sommes la seule institution australienne vouée à collectionner et à exposer l’art contemporain. Et collectionner, ajoute E.-A. MacGregor, est un moyen décisif de développer la culture artistique en Australie. Une chose est de montrer des artistes, une autre d’acheter leurs œuvres. »
Le MCA, précise-t-elle, achètera directement auprès des artistes et non chez les galeristes – une politique qui « le distingue des autres institutions qui collectionnent ». Ses achats récents comprennent The Lover (1992), d’Hossein Valamanesh, une construction en soie animée par un moteur ; des peintures sur écorce (1988 et 2003-2004) de John Mawandjul ; et Forgotten Foundation (2002), une sculpture en polyuréthane de Ricky Swallow, qui représentait cette année l’Australie à la Biennale de Venise.
Le MCA cherche par ailleurs à étendre l’éventail de ses collections à des domaines parfois non conventionnels : photographie, accessoires, pochettes de disque…, la directrice souhaitant explorer la manière dont un musée peut témoigner de cet aspect de l’art. « Nous nous intéressons aussi à des œuvres en rapport avec la collection existante. Nous n’avions aucune œuvre de vidéaste, et c’est un domaine que nous avons commencé à suivre. » Interrogée sur son propre avenir, E.-A. MacGregor réplique qu’elle ne fait « jamais de projet ». Son contrat court encore pendant cinq ans. « Disons que je n’ai aucune envie de diriger la Tate… »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : La renaissance du MCA

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