Londres et surtout New York profitent du nombre sans cesse croissant de riches collectionneurs ainsi que de la baisse de l’euro.
MONDE - En matière d’art impressionnisme et moderne, le premier semestre 2015 n’aura pas déçu, notamment à New York et à Londres, où Christie’s et Sotheby’s ont enregistré une nouvelle fois des résultats records. Quant à Paris, la troisième place forte, difficile pour elle d’obtenir les résultats de 2014, dopés par la vente d’un lot star, Portrait de Paul Alexandre, de Modigliani, adjugé 13,5 millions d’euros chez Sotheby’s. « À Paris, il suffit d’un ou deux tableaux pour faire la différence. Il est alors difficile de comparer les chiffres d’une année sur l’autre. Je pense que le marché est fort, même s’il n’y avait pas cette année de tableau phare pouvant faire des étincelles », commente Étienne Hellman, spécialiste international pour l’art impressionniste et moderne chez Sotheby’s. Ajoutant : « Les Américains ont acheté davantage à Paris, de l’ordre de 15 %-20 %, du fait de l’augmentation du dollar. Pour eux, c’était 30 % mois cher que l’an passé. » Le revers de la médaille : certains Français préfèrent alors vendre à New York…
Pour leurs ventes du soir, à Londres et New York, Christie’s et Sotheby’s se sont surpassées au cours des six derniers mois. Dans la capitale anglaise, les deux auctioneers, qui organisent des vacations deux fois par an, en février et juillet, ont totalisé 583,4 millions de livres (805 millions d’euros), soit une augmentation de plus de 5 % par rapport au premier semestre 2014. À New York, la hausse du produit de Sotheby’s et Christie’s est colossale : plus de 110 % ! En effet, Christie’s New York a frappé un grand coup en mai avec sa vente « Looking Forward to the Past », qui couvrait en 34 lots tout le XXe siècle, de l’impressionnisme jusqu’à l’art très contemporain. En tout, cette vente a rapporté 705,8 millions de dollars (626,2 millions d’euros). Si l’on ne comptabilise que les œuvres impressionnistes et modernes, le chiffre tombe à 495 millions de dollars… mais reste un record. Additionné à la traditionnelle vente du soir, le résultat s’élève à 697,6 millions de dollars. C’est d’ailleurs au cours de cette session qu’a été cédée l’œuvre la plus chère de toute l’histoire des enchères, soit Femmes d’Alger (1955), de Picasso, pour 179,3 millions de dollars.
Christie’s remporte une manche à New York, place forte du marché mondial. D’ailleurs, la Grosse Pomme demeure le fleuron : « La ville a vu ces dernières décennies se constituer les plus grandes collections d’art moderne, qui, depuis, ont été dispersées aux enchères, créant un formidable appel d’air », observe Adrien Meyer, directeur international pour l’art impressionniste et moderne chez Christie’s New York.
Collections asiatiques
À mi-parcours de l’année 2015, les tendances se consolident. Le marché reste très fort et la montée en puissance entamée depuis 2008 se poursuit. Les prix ne cessent d’augmenter, un phénomène qui va de pair avec la raréfaction des chefs-d’œuvre. « Quand une œuvre est rare, tout le monde se bat pour l’avoir, ce qui fait monter les prix. Or, plus les prix montent, plus cela fait sortir les chefs-d’œuvre : les collectionneurs se décident finalement à vendre », explique Christian Ogier, marchand (Galerie Sepia, Paris).
Autre tendance : la présence forte des acheteurs asiatiques, qui montent de vraies collections. « Les Asiatiques sont en première ligne, décrochant les tableaux phares mais aussi les plus petites signatures, note Adrien Meyer. Cela confirme leur regain d’intérêt pour la discipline et je pense que cela ne fait que commencer. Les Russes se manifestent à nouveau depuis quelques mois et nos clients des marchés plus traditionnels sont aussi très présents. Cette clientèle très variée fait la force de notre marché. »
Un constat est sans appel : l’internationalisation du marché, avec un ticket d’entrée à 5-10 millions de dollars. « Le marché est très large géographiquement à ce niveau-là, ce qui s’explique par un nombre croissant de milliardaires », souligne Christian Ogier. Ce nombre a doublé dans le monde depuis la crise de 2008, et s’accompagne d’une concentration croissante du capital.
Mais surtout, un retour en grâce de l’art moderne s’opère. « C’est flagrant en ce moment, l’art contemporain puise dans l’art impressionniste et moderne et y cherche ses bases. C’est un formidable coup de projecteur », explique Christian Ogier. C’était d’ailleurs le propos de la vente « Looking Forward to the Past ».
Relevons enfin l’importance grandissante des plus-values qui s’accélère pour certains artistes. « L’une des motivations de nos acheteurs est la diversification de leur patrimoine. Et puis il y a aussi l’apparition de nouveaux fonds en art très actifs, tels que le Fine Art Fund », remarque Adrien Meyer.
Quant aux taux de vente, très élevés chez Christie’s New York, de l’ordre de 90 %, ils restent stable. « Ce serait dramatique si nous étions à 40 % d’invendus. Mais ceci ne refléterait pas le marché mais un manque de qualité de la vente, avec des estimations trop élevées et une sélection d’œuvres non approuvée », explique Étienne Hellman.
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Picasso met le feu aux enchères
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°439 du 3 juillet 2015, avec le titre suivant : Picasso met le feu aux enchères