La « Villa Médicis japonaise » rouvre ses portes après une rénovation de son bâtiment et de ses programmes.
KYOTO (JAPON) - Le temps où était évoquée la fermeture de la Villa Kujoyama appartient au passé. Pourtant il y a peu, en 2011, face au coût de fonctionnement et de rénovation de l’édifice de Kunio Kato, le ministère des Affaires étrangères envisageait de clore le chapitre de cette courte histoire via son opérateur culturel à l’international, l’Institut français. « La décision avait été prise. La catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011 l’a remise en cause. La France ne pouvait décemment plus fermer la Villa », confie-t-on au Quai d’Orsay. « Encore fallait-il trouver les financements extérieurs pour la restauration du bâtiment dans son ensemble, mais aussi pour son programme de résidences. »
De fait, sans le soutien de Pierre Bergé et de la Fondation Bettencourt Schueller, que serait-il advenu de l’unique résidence française d’artistes en Asie ? Au ministère des Affaires étrangères et du Développement international on n’ose l’imaginer. Souffle donc un air de fête à Kyoto lors de la réouverture le 4 octobre de la Villa Kujoyama, après dix-huit mois de travaux, durant lesquels la refonte du programme de résidences, et plus généralement du fonctionnement et des missions de la Villa, a été réalisée. « Le mot d’ordre de cette nouvelle étape est l’ouverture », rappelait Laurent Fabius dans son discours à la presse fin septembre. « Ouverture sur le Japon d’abord : la Villa sera désormais plus profondément ancrée dans la société japonaise grâce à l’établissement d’une direction franco-japonaise et d’un nouveau programme de résidence qui accueillera, pour la première fois, des créateurs japonais en tandem avec des créateurs français. Ouverture ensuite sur de nouvelles disciplines, comme les métiers d’art » ; métiers d’art, au cœur des actions de mécénat de la Fondation Bettencourt Schueller, autre grand acteur de la réouverture et refonte de l’Académie de France à Kyoto. Son implication financière est importante : 754 000 euros sur le budget total de 2,19 millions d’euros de la Villa Kujoyama sur trois ans aux côtés de Pierre Bergé (500 000 euros), l’Institut de France et l’Institut français du Japon (936 000 euros). Soit une participation du privé dans le budget global de la Villa de 57 %. Par comparaison, le budget de l’Académie de France à Rome (7,5 millions d’euros) est financé à 40 % par le mécénat et ses recettes propres.
Redistribution des rôles
Par sa direction franco-japonaise composée depuis juillet dernier du cinéaste Christian Merlhiot (1963) et de la productrice artistique indépendante Sumiko Oé-Gottini (1973), la Villa Kujoyama se différencie cependant. L’implication qui leur est demandée tranche avec le fonctionnement des Académies de France à Rome et à Madrid. Christian Merlhiot (ancien pensionnaire de la Villa Médicis à Rome de 1994-1995 et de la Villa Kujoyama en 2011) qui assure la mise en œuvre de la programmation, accompagne les artistes dans leur réflexion et réalisation de leurs projets. Tandis que Sumiko Oé-Gottini (ancienne secrétaire général du Frac Île-de-France puis du Plateau) a pour fonction d’aider en amont à Paris les résidents à la préparation de leur projet avant de trouver au Japon les réseaux de production pour la réalisation de leur projet, puis de les aider, une fois leur séjour à Kyoto terminé, à identifier les réseaux de diffusion. La refonte de la Villa prévoit également que chaque création issue du séjour à Kyoto soit labélisée. Christian Merlhiot et Sumiko Oé-Gottini se connaissent : ils ont déjà travaillé ensemble en 2002 au Pavillon Neuflize OBC, laboratoire de création du Palais de Tokyo.
À la Villa Médicis, la réforme engagée depuis le début de l’année par son directeur, Éric de Chassey et sa tutelle, le ministère de la Culture, a opté quant à elle pour la nomination d’un interlocuteur différent à chaque promotion. C’est le philosophe italien Giorgio Agamben qui a été choisi pour accompagner les dix-sept pensionnaires de la promotion 2014.
À la Casa de Velázquez, aucune réforme ne semble programmée pour l’instant du côté du ministère de l’Enseignement supérieur, notamment en ce qui concerne le suivi des pensionnaires, bien que nombre de résidents, d’une promotion à une autre, déplorent le manque d’interlocuteurs attentifs à leurs travaux et d’interfaces avec la société espagnole.
L’autre particularité de la refonte de la Villa Kujoyama tient justement à l’association de duo d’artistes franco-japonais, tel celui d’Andrew Todd et Kiichiro Hagino pour l’architecture. Le décloisonnement des disciplines, autre grand axe de ce remaniement, aboutit de son côté à une promotion 2014-2015 largement ouverte aux métiers d’art avec cinq résidents dans cette catégorie sur vingt-trois lauréats ; le financement de la Fondation Bettencourt Schueller n’est évidemment pas étranger à cela. Quant au temps de résidence sur place, il a été porté de deux à six mois avec une bourse mensuelle de 2 300 euros (contre 2 600 euros auparavant) accompagnée d’une aide au projet de 2000 euros ; montant bien en deçà de l’allocation moyenne d’un pensionnaire de la Villa Médicis (3 300 euros par mois sur une durée de résidence de 12 à 18 mois) ou de la Casa de Velázquez (4 000 euros mensuel sur un an).
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Kyoto - La Villa Kujoyama, nouvelle version
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Abonnez-vous dès 1 €La Villa Kujoyama, Kyoto. © Photo : Christian Merlhiot.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°420 du 3 octobre 2014, avec le titre suivant : Kyoto - La Villa Kujoyama, nouvelle version