Ventes aux enchères

Etats-Unis

Droit de suite, nouvelle tentative

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2014 - 569 mots

Le nouvel essai d’introduction du droit de suite outre-Atlantique au niveau fédéral mécontente les principaux concernés : les grandes maisons de ventes.

Les États-Unis pourraient rejoindre prochainement les près de soixante-dix pays ayant adopté le mécanisme du droit de suite. En effet, depuis les tentatives avortées de 1978, 1990 et 2011, les règles du jeu semblent avoir changé. Ainsi, le promoteur de l’« American Royalties Too Act of 2014 », ou malicieusement « A.R.T », le député démocrate Jerrold Nadler, occupe désormais un poste stratégique au Congrès. En outre, le Copyright Committee a inversé, en décembre 2013, sa position sur le droit de suite, arguant que de très nombreux États avaient intégré depuis une vingtaine d’années ce mécanisme au sein de leur législation et qu’aucun effet négatif sur le marché de l’art n’avait été constaté. Enfin, la proposition de loi enregistrée le 26 février dernier a su ménager les intérêts de nombre d’opposants.

Excluant les galeries et les ventes privées de son champ d’application, le resale right n’aurait vocation à s’appliquer qu’aux transactions réalisées par les maisons de ventes aux enchères publiques, dont le chiffre d’affaires aura atteint un million de dollars pour des œuvres d’arts plastiques en 2013. Seuls les acteurs majeurs du second marché seraient ainsi affectés. D’où la fronde menée par Sotheby’s et Christie’s depuis quelques années et un déploiement sans précédent de moyens depuis mars 2014 au travers d’influents lobbyistes. Rejoints par eBay, en raison d’une possible extension du mécanisme aux ventes en ligne, les deux acteurs mondiaux espèrent faire barrage à l’adoption de la proposition de loi, avec le même succès que le combat mené contre la disposition californienne en première instance. À la peur d’une fuite des œuvres majeures vers le circuit des galeries, s’ajoute le recours quasi systématique à la réduction des frais à la charge du vendeur afin d’emporter la vente des collections les plus prestigieuses. Le mécanisme du droit de suite aurait alors pour effet de réduire encore davantage les marges de manœuvre des deux maisons.

Un champ d’application réduit
Pourtant, le futur visage du resale right a pâli depuis 2011. Le champ d’application, comme le montant maximum perceptible et le taux applicable, ont été réduits. En cas d’adoption de la proposition de loi, l’œuvre devra atteindre, lors de sa revente, un prix minimal de 5 000 dollars afin d’entraîner la perception d’un montant fixé au taux de 5 %, qui ne pourra excéder 35 000 dollars.

Le mécanisme appliqué en France bénéficie d’un champ d’application plus large. Ainsi, l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle vise toute vente, « après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit lorsqu’intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ». Depuis la loi de 2006, transposant la directive européenne du 27 septembre 2001, le droit de suite ne s’applique plus uniquement aux ventes aux enchères publiques, mais bien à la quasi-totalité des reventes d’une œuvre. L’article R. 122-6 prévoit, quant à lui, un taux dégressif qui atteint au maximum 4 %, pour les œuvres dont le prix de vente est inférieur ou égal à 50 000 euros, et au minimum 0,25 % pour les œuvres dont le prix de vente dépasse 500 000 euros. En tout état de cause, le montant du droit de suite ne peut excéder 12 500 euros, soit moitié moins que dans le potentiel resale right américain.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Droit de suite, nouvelle tentative

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