HONG KONG / CHINE
Avec une ouverture prévue en 2017, au sein du West Kowloon Cultural District de Hong Kong, le futur Musée d’art contemporain M+ essuie déjà des critiques. Alors que de nombreuses personnalités appartenant aux différents organes de gouvernance sont sujets à polémiques, la politique d’acquisition pèche par son clientélisme. Les expositions de préfiguration peinent à fidéliser le public.
HONG KONG - Le M est très souvent présenté dans les médias hors de son contexte. Il s’agit en fait d’une institution légalement indépendante du Gouvernement de Hong Kong. Le musée fait partie d’un vaste projet de développement urbain, le West Kowloon Cultural District (WKCD), initié en 1998 par le Tourism Board. La partie culturelle de ce projet ne représente qu’entre 35 et 40 % de l’espace. L’essentiel des 44 ha du WKCD sera de fait voué au commerce, au logement, à des locaux administratifs et à une gare souterraine internationale de 11 ha reliant par train à grande vitesse Hong Kong à Canton et Pékin. Le musée qui doit ouvrir en 2017 est l’un des dix-sept centres culturels locaux dans le WKCD.
En 2008, l’Autorité du District culturel de Kowloon Ouest (WKCDA) est créée pour gérer le projet. La WKCDA a reçu délégation du Gouvernement pour la construction et la gestion du projet, mais les fonds sont publics et le Conseil législatif (Legco), Parlement de Hong Kong, exerce un contrôle rigoureux. La hiérarchie décisionnelle transite du directeur exécutif à l’officier exécutif en chef, puis par le Comité du musée et ses sous-comités (Comité intérimaire d’acquisitions et Conseil du centre d’exposition), avant de passer devant le Comité exécutif et enfin le Conseil de la WKCDA. De fait, les décisions des conservateurs du M sont soumises à de trop nombreux échelons de contrôle, et mêmes approuvées par leur propre gouvernance, elles font encore l’objet de débats devant le Legco.
Une programmation sous influences
Plus gênant, alors que l’obligation de communiquer de possibles conflits d’intérêts a été clairement énoncée dans le rapport annuel de la WKCDA 2012-2013 au sein des organes de contrôle, les fonctions de certains membres ne sont pas exempts de reproches. Par exemple ; Magnus Renfrew, directeur « Asie » et l’un des quatre membres du comité exécutif d’Art Basel, fait partie du Conseil du Centre d’exposition. Sa position dans le sous-comité peut lui permettre d’influencer la programmation des expositions et donc de bénéficier indirectement aux galeries de la foire pour laquelle il travaille. Johnson Chang, marchand historique des artistes contemporains chinois et propriétaire de la galerie Hanart, vient, lui, d’être nommé membre du Comité intérimaire d’acquisitions du musée, alors qu’il a récemment été au cœur d’une controverse de non-restitution d’œuvres et vient d’annoncer son intention de donner cent œuvres à la ville de Hong Kong, sans avoir précisé à quelle institution. Sa position de marchand peut l’inciter à privilégier les œuvres d’artistes qu’il représente. Le problème est le même avec Pi Li, nommé Conservateur sénior de la collection Sigg, et qui demeure actionnaire de sa galerie de Pékin. Tous trois sont également en position de manipuler le marché en utilisant leur rôle vis-à-vis du musée pour promouvoir certains artistes ou galeristes.
Le don de la collection Sigg a également été sévèrement critiqué. Uli Sigg, l’un des plus grands collectionneurs d’art contemporain chinois, a fait don de 1463 œuvres. La donation a cependant été assortie de l’achat par le M de 47 œuvres de sa collection pour un montant de HK$177 millions (16,5 millions d’euros). Cette somme représente 75 % du budget dépensé par le M à ce jour en acquisitions. La politique publique d’acquisitions, donne en effet la priorité aux artistes locaux, à ceux de la Chine continentale, puis aux artistes du reste du monde. Avec la collection Sigg, la Chine a eu la priorité. Le Legco, dans ses réunions tout au long de l’année passée, comme des acteurs locaux de la culture tels Mathias Woo, qui est aussi membre des groupes de conseil du Comité consultatif sur les ressources artistiques et culturelles du WKCD, ne cessent d’exprimer leur mécontentement quant au poids de cette collection dans celle du musée.
Une maigre collection locale
Les autres acquisitions, certes plus orientées vers Hong Kong ne représentent à ce jour qu’un peu plus de 860 œuvres. Ces critiques sont constamment relayées dans la presse locale en chinois et en anglais, notamment par Vivienne Chow dans le South China Morning Post. Lars Nittve, ancien directeur fondateur de la Tate Modern et aujourd’hui directeur exécutif du M , justifie ce choix en expliquant qu’un budget de 4,7 millions d’euros a été alloué au Hong Kong Museum of Art et au Hong Kong Heritage Museum pour acquérir des œuvres d’artistes locaux. Ce chiffre est bien faible en comparaison du budget total attribué au M pour constituer ses collections, qui est de 160 millions d’euros. Ce discours est une justification a posteriori de la transgression des missions du musée. Missions peut-être obsolètes aux yeux des conservateurs, mais qui demeurent officielles.
La part jugée trop importante des étrangers dans l’équipe de conservation est aussi critiquée par le Legco, comme par Mathias Woo et relayée dans la presse (notamment le journal anglophone local The Standard), en dépit de leur expérience. Sont ainsi montrés du doigt, Tobias Berger, l’un des premiers conservateurs, Aric Chen (en charge du design et de l’architecture), ou encore Doryun Chong, ancien conservateur du MoMA nommé conservateur en chef du M , et récemment Lesley Ma, conservateur de l’encre contemporaine chinoise.
La fréquentation des expositions de préfiguration varie beaucoup suivant leur thématique. Lorsque celles du programme « Mobile M » relèvent plus de la distraction, le nombre de visiteurs dépasse les 150 000. « Inflation » donnait à voir six sculptures gonflables sur le futur site du musée dans le WKCD, dont « Complex Pile » de Paul Mc Carthy qui ressemble à un excrément et « Sacrilège » de Jeremy Deller, à une version à l’échelle de Stonehenge. Quand les expositions traitent d’art contemporain plus pointu ou d’architecture, la fréquentation est divisée par dix. Si les programmes sont de qualité, la communication et l’accessibilité ne sont pas exemptes de reproches. La durée de ces expositions plus académiques, en moyenne un mois, est jugée trop courte. Faute de bâtiment, ces expositions ont lieu dans des endroits toujours différents, rendant l’offre du musée moins lisible.
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Le futur M+ de Hong Kong très critiqué
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Abonnez-vous dès 1 €Le projet du M+ museum, à Hong Kong. © Herzog & de Meuron
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Le futur M+ de Hong Kong très critiqué