Bien que le marché de la peinture chinoise contemporaine soit limité, marchands et collectionneurs du monde entier viennent à Hong Kong pour y découvrir ses plus récentes évolutions. Les galeries exposent des artistes chinois travaillant à Hong Kong, bien sûr, mais aussi en Chine, à Taipei, ou même en Occident. La crainte qu’inspire l’après-1997 est tempérée par une double perspective : un développement rapide du marché de l’art en Chine et une reconnaissance accrue des artistes chinois en Occident.
HONG KONG (de notre correspondante) - Le jeune marché de l’art chinois contemporain, en plein essor, semble aussi robuste que la Bourse de Hong Kong. Il reste cependant difficile à évaluer, les indications fournies par les galeries pouvant seules servir de références pour établir la cote d’un artiste. Mais du fait de sa taille modeste, la croissance et la demande y sont stables. Les clients achètent pour le plaisir, sans chercher à spéculer. Néanmoins, Johnson Chang, propriétaire de la galerie Hanart T. Z. qui présente des artistes d’avant-garde travaillant la peinture à l’huile, estime que leurs œuvres constituent de bons placements. Ces créateurs commencent en effet à être reconnus au niveau international depuis leur apparition dans de grandes manifestations telles que les biennales de Venise et de São Paulo ou l’Edinburgh Arts Festival.
Ainsi C.C. Wang, calligraphe renommé de longue date, se vend aujourd’hui pour l’équivalent de 4 000 à 176 000 francs à la Plum Blossoms Gallery, spécialisée dans la peinture chinoise contemporaine faisant appel aux techniques traditionnelles. Wei Dong, dont la première exposition personnelle à Hong Kong vient d’avoir lieu, propose ses nus pour l’équivalent de 1 000 à 64 000 francs. Les œuvres de Liu Shou Kwan (1919-1975), un artiste de Hong Kong qui a modernisé la peinture chinoise en y introduisant la perspective occidentale, se négocient pour l’équivalent de 32 000 à 464 000 francs chez Alisan Fine Arts. Au mois de mai, Zao Wou-ki, le plus célèbre des peintres abstraits chinois de l’Occident, sera simultanément exposé chez Alisan Fine Arts et au Hong Kong Museum of Art. Les prix varient de 8 000 à 10 000 francs pour ses gravures, et de 48 000 à 584 000 francs pour ses huiles et aquarelles.
Des prix "accessibles"
La Gallery 7 représente, à l’intention des nouveaux collectionneurs, un groupe de peintres dont les productions sont vendues à des prix "accessibles", explique Nel Rand. Ces derniers oscillent entre l’équivalent de 2 000 et de 30 000 francs pour Ngan Ting, dont toutes les œuvres présentées lors de sa première exposition personnelle ont été vendues, à 464 000 francs pour Victor Lai, un artiste de Hong Kong. La réputation du sculpteur de Taiwan Ju Ming s’est forgée avec les expositions organisées en Grande-Bretagne en 1992 et la rétrospective de 1995 au Japon. Il compte aujourd’hui parmi les artistes qui se vendent le mieux. Ses œuvres, dont les plus fameuses représentent des personnages en bronze et en bois figés dans des attitudes de taï-chi, la gymnastique chinoise traditionnelle, valent de 44 000 à 760 000 francs, voire au-delà pour les œuvres monumentales.
Un événement contribuera peut-être à élargir davantage le marché de la peinture chinoise : Gong Jisui, directeur du département de Peinture chinoise chez Sotheby’s, prévoit d’organiser une vente à New York au mois de septembre. Il souhaite la centrer sur les créations contemporaines et d’avant-garde en provenance de Chine, de Hong Kong et de Taipei. L’objectif est de proposer un choix plus vaste que lors des ventes habituelles afin d’attirer les acheteurs occidentaux. "Je m’attends à un intérêt croissant en Europe pour l’art chinois contemporain, confirme Johnson Chang. C’est pourquoi nous avons ouvert un petit espace à Londres. Cependant, il faudra aussi compter avec la Chine et l’émergence d’une élite qui s’intéresse de très près à l’art contemporain."
Développer la clientèle
"Je suis très optimiste, déclare de son côté Alice King, de la galerie Alisan Fine Arts. L’année passée a été très bonne malgré les incertitudes, et nous enregistrons un intérêt croissant en Asie du Sud-Est. À long terme, le marché chinois devrait rapidement rattraper son retard. Il y a, en Chine, toute une génération ayant grandi à l’écart de la culture, qui se passionne maintenant pour elle. Toutefois, les galeries ont à réfléchir au développement de leur clientèle, peut-être en multipliant leurs participations à des foires telles que la March International Asian Art Fair qui vient de se tenir à New York."
Malgré le grand nombre d’installations créées par les artistes locaux, le marché de l’art de Hong Kong les ignore et fait l’impasse sur l’art expérimental. Ces installations, qui reflètent en partie l’influence de l’Occident, font également apparaître le manque d’espaces d’exposition adéquats, qu’ils soient privés ou publics. Et pour David Clarke, professeur d’histoire de l’art à l’université de Hong Kong, leur développement est le résultat de "l’absence d’un vrai marché : une situation qui conduit bon nombre d’artistes à travailler en dehors de toute préoccupation commerciale".
S’adapter aux goûts du marché local
Paul Serfaty, collectionneur d’œuvres chinoises contemporaines d’avant-garde, se montre critique à l’égard des institutions publiques et en particulier vis-à-vis du Hong Kong Museum of Art : "Je ne crois pas à l’interventionnisme à tout crin, mais le musée ne fait rien pour encourager la prochaine génération d’artistes." Un constat qu’Oscar Ho, responsable des expositions au Hong Kong Arts Centre (lire page 8), explique par la crainte du gouvernement "d’offenser la Chine". "Il existe une certaine autocensure dans le choix des expositions", estime-t-il.
Enfin, si Hong Kong fait la part belle aux artistes chinois, les artistes occidentaux contemporains, présentés notamment lors des deux premières éditions d’Art Asia par des galeries internationales telles que Bjorn Wetterling, Hervé Odermatt, Gimpel Fils et Waddington Galleries, ne semblent pas avoir rencontré d’écho sur le marché de Hong Kong et depuis, ces galeries ont déserté la foire. Les marchands encore présents à Art Asia l’an passé ont donc réorienté leur sélection en fonction des goûts du marché local. Ainsi, Marlborough Gallery a judicieusement exposé une sélection de peintures de Chen Yifei, au réalisme photographique, qui se sont toutes vendues entre 25 000 et 500 000 francs.
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Art contemporain : des débuts prometteurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : Art contemporain : des débuts prometteurs