En 1972, Marcel Fleiss a créé la galerie 1900-2000 et a eu un fils, David. Ce dernier est depuis quelques années à la tête de cette enseigne, toujours située 8, rue Bonaparte dans le 6e arrondissement, principalement consacrée à Dada et aux surréalistes. De retour de Miami Bâle, il donne son point de vue sur le marché et les foires.
Partagez-vous ce point de vue selon lequel, hors des foires, il n’y aurait plus de salut ?
Tout à fait. Pour nous, qui sommes dans le second marché, les foires sont essentielles. Non pas pour se faire connaître, mais tout simplement pour vendre nos tableaux. Aujourd’hui 80 % de nos ventes se font dans les foires. L’activité quotidienne de la galerie, faire des expositions, recevoir des collectionneurs (acheteurs ou vendeurs) etc. ne nous sert qu’à pouvoir entrer dans ces grandes manifestations, puisqu’elles n’acceptent que les galeries qui ont une vraie activité et non les marchands privés ou les galeries uniquement ouvertes sur rendez-vous.
N’y a-t-il pas moins de galeries de second marché dans les foires, et notamment à la Fiac, que par le passé ?
Il n’y en a effectivement pas beaucoup ou bien elles sont moins visibles. Mais leur présence est capitale, parce qu’elles rassurent les gens qui achètent de l’art contemporain sans bien toujours savoir ce qu’ils acquièrent. Ils se sentent confortés en voyant aussi des œuvres plus classiques. Je pense qu’une foire uniquement d’art contemporain et de premier marché n’a pas d’avenir. Toutes celles qui étaient dans ce cas ont revu leur concept. Le meilleur exemple en est Frieze à Londres qui a développé Frieze Masters pour avoir ce côté historique. À Bâle même, il y en a sans doute davantage que dans les autres foires. Mais Jennifer Flay la directrice de la Fiac est parfaitement consciente de l’importance de l’art moderne au Grand Palais.
Est-ce que le second marché n’est pas très concurrencé par les ventes aux enchères ?
Si, bien évidemment. Mais en même temps, les enchères jouent aussi le rôle pour nous d’une sorte de bourse. En tant que telle, elles nous permettent de vendre des œuvres plus chères que nous ne l’aurions fait sans elles. En effet, tous les records aussi bien pour l’art moderne que pour l’art contemporain, se font en vente publique ce qui nous permet d’ajuster nos prix. Mais elles ont aussi un effet négatif : on trouve moins d’œuvres à acheter sur le marché parce que beaucoup de vendeurs vont directement dans les maisons de vente. Heureusement, en ce qui nous concerne, comme mon père a ouvert il y a un peu plus de 40 ans et que nous sommes plutôt spécialisés, nous avons un réseau important de clients qui préfèrent passer par nous que par les enchères.
N’y a-t-il pas un phénomène de « peopolisation » des foires ?
Effectivement on a pu voir à Miami que Puff Daddy, Kanye West ou Jay-Z sont de vrais acheteurs, mais pas pour une galerie comme la nôtre. De façon plus générale les célébrités sont plus attirées par l’art contemporain et les galeries incontournables. Et de même, par exemple, qu’il y a Prada pour les vêtements, il y a Gagosian pour l’art. Tout le monde veut posséder la même chose en provenance des mêmes galeries. Donc effectivement ce sont des collectionneurs qui existent, qui sont même parfois très intéressés et très intéressants mais qui ne s’adressent qu’à une certaine sorte de galeries, celles qui ont un nom très connu. Nous, nous adressons plutôt à des amateurs qui viennent nous voir parce qu’ils cherchent quelque chose de précis et qu’ils savent ce que nous faisons.
Est-ce que cette médiatisation n’est pas dangereuse pour le marché ?
Si ces célébrités achetaient chez moi, je serais inquiet parce que je ne sais pas combien de temps cet intérêt peut se perpétuer. Ils collectionnent par mode ; la mode peut passer et ils peuvent très bien un jour tout remettre sur le marché qui ne sera alors peut-être pas en mesure de tout absorber. Mais dans mon domaine il y a peu de risques. En même temps le fait que de grands chanteurs, de grands acteurs soient présents, a ouvert le marché à un autre public qui ne s’y serait pas intéressé. Cela dit, on voit surtout cela à Miami, parce qu’il y a énormément de fêtes organisées par les grandes marques de luxe, Berluti, Vuitton et que tout le monde est là.
Ces nouveaux intervenants sur le marché apportent beaucoup plus d’argent que les collectionneurs classiques. Les prix peuvent s’envoler parce qu’ils veulent tous la même chose et qu’ils n’hésitent pas à surpayer une œuvre qu’ils désirent. L’art moderne ne suit pas dans les mêmes mesures mais dans l’élan, cela lui permet de monter quand même un peu. Alors est-ce que cela va durer ? Personne ne peut le dire, mais on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas que ces nouveaux acheteurs sur le marché. Il y a aussi des centaines de musées en Asie et d’autres au Qatar qui ont besoin d’œuvres et qui ne vont pas acquérir que du contemporain.
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David Fleiss, galeriste et photographe : « 80 % de nos ventes sont dans les foires »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°404 du 3 janvier 2014, avec le titre suivant : David Fleiss, galeriste et photographe : « 80 % de nos ventes sont dans les foires »