Art ancien

Héritage

Dans le sillage de Rogier Van der Weyden

Les Musées royaux des beaux-arts de Belgique livrent un plaidoyer en faveur des artistes méconnus de l’école bruxelloise de la fin du XVIe siècle

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2013 - 748 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

Qui sont ces artistes bruxellois qui ont œuvré dans le sillage de Rogier Van der Weyden ? Faut-il réduire au statut de « petits maîtres » ces peintres qui commencent à peine à faire l’objet d’études approfondies ? Les Musées royaux des beaux-arts de Belgique mènent l’enquête dans une exposition aussi érudite que didactique.

BRUXELLES - Alors que devrait bientôt ouvrir le « Musée Fin-de-Siècle Museum », ajout aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique sur fond de controverse sur la gestion des collections d’art moderne, « L’héritage de Rogier Van der Weyden » rappelle que l’institution sait livrer des expositions à l’intérêt scientifique avéré et au didactisme enlevé. Mettant à profit les financements de la Politique scientifique fédérale, la conservatrice Véronique Bücken et l’historienne de l’art et restauratrice Griet Steyaert se sont penchées sur ces peintres de l’école de Bruxelles qui émergent dans le sillage bouillonnant de Rogier Van der Weyden (1399/1400 ?-1464). La thèse des commissaires tient du plaidoyer : peut-on vraiment parler de « petits-maîtres » au sujet de ces artistes bruxellois de la seconde partie du XVIe siècle, dont le travail n’a pour seul défaut que d’être méconnu ? Van der Weyden, avec son souci du détail décoratif et sa construction narrative, a servi de mètre étalon pour l’analyse de leurs œuvres ; quant à l’étude de la saveur propre à chaque artiste, elle a, pour l’instant, été réduite à des défis d’attribution.

Propositions audacieuses
Bien que l’exposition se veuille une simple étape de la recherche sur le sujet, elle opère un débroussaillage bienvenu de cette période de transition, entre le primitif Rogier Van der Weyden et l’un des apôtres de la Renaissance du Nord, Bernard Van Orley, sur lequel s’achève le parcours.
Si Colijn de Coter, le Maître de la Légende de sainte Catherine et le Maître au feuillage doré ont déjà fait l’objet de recherches approfondies, la dizaine d’autres peintres identifiés qui gravitaient alors à Bruxelles laisse augurer d’un vaste champ d’étude. L’analyse fait ici la part belle à quatre peintres, assimilés à des groupes tant les œuvres qu’on leur attribue relèvent de différentes mains : le Maître de la Rédemption du Prado, le Maître de la vie de Joseph, le Maître à la vue de Sainte-Gudule et le Maître de la Légende de sainte Barbe. Se dégage également le rôle actif tenu par Hugo Van der Goes, bien que retiré à l’abbaye du Rouge-Cloître, auprès d’Aert van den Bossche ou du Maître de la vie de Joseph.

Les propositions sont aussi audacieuses que convaincantes, à l’image de ce rapprochement entre quatre panneaux qui formeraient les volets d’un seul et même retable : La Vierge et saint Jean et la Crucifixion attribués à Van der Weyden (Philadelphia Museum of Art), en version fermée ; l’Annonciation (Musée des beaux-arts de Dijon) et l’Apparition du Christ à sa mère (National Gallery de Washington), attribués au Maître de la Rédemption du Prado, en version ouverte. Parmi les nombreux trésors de l’exposition, signalons le Triptyque des Miracles du Christ, retable signé Aert van den Bossche, le Maître de la Légende de sainte Catherine et le Maître des portraits princiers, que la National Gallery of Victoria de Melbourne s’est empressée de prêter, à la grande joie et surprise des organisateurs.

La scénographie fluide et aérée permet de respirer entre des œuvres qui requièrent un effort soutenu d’observation. Désireux de partager leurs trouvailles et leur plaisir, les commissaires ont imaginé une série de sigles pour éclairer le visiteur sur leurs méthodes de recherches et d’attribution – car seules deux œuvres de la sélection sont signées ! Parmi les marqueurs : les indices géographiques (avec les monuments reconnaissables à l’arrière-plan), les marques gravées des menuisiers bruxellois sur les cadres ou encore l’identité des commanditaires. Avec ce faux air d’enquête policière qui rend le propos aussi ludique qu’accessible, rarement un parcours d’exposition d’art ancien aussi complexe aura-t-il autant sollicité le visiteur.

L’héritage de Rogier van der Weyden,

La peinture à Bruxelles 1450-1520, jusqu’au 26 janvier 2014 initialement : l'exposition a fermé ses portes le 21 novembre 2013

Musées royaux des beaux-arts de Belgique, 3, rue de la Régence, 1000 Bruxelles, 32 (0)2 508 32 11, www.expo-vanderweyden.be, tlj sauf lundi, jf et 9 janvier, 10h-17h du mardi au vendredi, jusqu’à 18h le we. Catalogue en français et en néerlandais, éd. Lannoo, Tielt (Belgique), 384 p., 40 €.

Commissaires : Véronique Bücken, chef de section Peinture ancienne aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique ; Griet Steyaert, historienne de l’art et restauratrice

Légende photo

Maître de la légende de Sainte Catherine, Maître des portraits princiers, Aert van den Bossche, Tryptique des Miracles du Christ, huile sur bois, National Gallery of Victoria, Melbourne. © NGV, Melbourne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°401 du 15 novembre 2013, avec le titre suivant : Dans le sillage de Rogier Van der Weyden

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