Emmenés par le Louvre et le Musée national d’art moderne et du Musée du Louvre, les musées nationaux ont accaparé près de 60 % des enrichissements des collections publiques en 2012.
Parmi les institutions nationales présentes sur le marché de l’art le Musée du Louvre, et le Musée national d’art moderne-Centre Pompidou (Mnam) sont sans conteste les plus actives. En 2012, le montant total des acquisitions menées par les musées nationaux français a dépassé les 60 millions d’euros. Le Mnam a ainsi enrichi ses collections de près de 20 millions, et le Louvre, de plus de 18,2 millions d’euros, soit pour chacun près du tiers du montant global ! En 2011, la part du Louvre ne représentait « que » le quart de ce montant global qui s’élevait alors à 85,5 millions d’euros, tandis que celle du Mnam correspondait à seulement un huitième de ce chiffre. Cette baisse de 30 % du total des acquisitions menées par les musées nationaux en 2011 et 2012 n’a rien d’alarmant – en 2011, la donation d’une collection d’œuvres nabis estimée à quelque 36,5 millions d’euros pulvérisait les records sur les comptes du Musée d’Orsay, et faussait d’office les chiffres pour l’année suivante. Ainsi, si l’on fait abstraction de cette collection, le montant global témoigne d’une hausse de 10 % entre 2011 et 2012.
La part du lion que se taillent le Louvre et le Mnam sur le marché des acquisitions relève d’un cercle vertueux. Dotés de puissants moteurs de communication, sur lesquels se greffent d’efficaces cellules de mécénat, les deux vaisseaux amiraux parisiens – pour l’art ancien et l’art moderne respectivement – peuvent compter sur de solides réseaux. Plus un musée facilite la vie à ses donateurs et mécènes, plus il attire les dons et les libéralités en tous genres. Ainsi, en 2012, le Mnam n’a déboursé « que » 2,58 millions d’euros de ses fonds propres sur les 20 millions d’acquisition. La donation Florence et Daniel Guerlain, de près de 1 200 dessins, les dons individuels ou collectifs (la série de diapositives Walking Piece (1966) de Yayoi Kusama offerte par la Society of the Japanese Friends of Centre Pompidou), ou encore les achats par le biais du mécénat (Eugen Schönebeck, Portrait de Liz Kertelge [1996], grâce au soutien de Frieder Burda) représentent autant de moyens pour le musée d’étoffer ses fonds. Une manne à laquelle s’ajoutent les dons des artistes (Jean-Jacques Lebel, Mario Ceroli), l’ensemble important acquis par la Société des amis du Mnam dans le cadre du Projet pour l’art contemporain (Hans-Peter Feldman, Shadow Play 2011 ; Ann Veronica Janssens, Rose, 2007 ; et même, avec Untitled 2006-2007 de Robert Gober, un don de la Centre Pompidou Foundation !
Enfin, le musée bénéficie de « dations » (Francis Picabia, Portrait de Tristan Tzara, 1918 ; Yves Tanguy, Le Phare, 1926). Mais enrichir ses fonds de patrimoine historique moderne devient une tâche « de plus en plus difficile […] compte tenu des possibilités offertes par le marché au regard des moyens budgétaires disponibles ». La large proportion d’œuvres datant des années 2000 dans ce cru 2012 est en effet frappante.
Fidèles mécènes
Parmi l’éventail des modes d’acquisition, le Mnam n’avait pas opté pour la souscription auprès du grand public depuis 1993, et l’achat du Bleu I de Joan Miró. The Clock de Christian Marclay, qui avait fait sensation à la Biennale de Venise en 2011, a fait l’objet d’une acquisition commune entre le musée parisien, la Tate Modern à Londres et le Musée d’Israël à Jérusalem. Les collectionneurs et les Amis du Mnam ont été sollicités et l’ont intégralement financé.
2012 fut une année de jachère pour l’entrée dans les collections d’œuvres issues de souscriptions, mais, comme chaque année, le Louvre s’est enrichi d’œuvres considérées « trésor national » grâce à l’aide de ses fidèles mécènes, Axa (Pietà avec saint Jean et deux anges attribuée à Jean Malouel, 7,8 millions d’euros) et Mazars (Diptyque : nativité, crucifixion et prophètes, 1,5 million d’euros). Si le musée doit plus de la moitié de ses acquisitions à des libéralités (10 millions sur 18 millions d’euros), la préemption (pour 3,75 millions d’euros) chez Claude Aguttes du portrait en marbre de Charles Frédéric de La Tour du Pin par Edme Bouchardon représente près de la moitié de ses acquisitions sur fonds propres. Cet exemple de buste à l’antique est d’autant plus précieux qu’il provient directement de la famille du marquis de Gouvernet. Ces achats de prestige ne doivent pas en éclipser d’autres plus modestes mais tout aussi cruciaux pour les collections, à l’exemple du Portrait des parents de l’artiste : le révérend David Wilkie et son épouse (1807) par David Wilkie (608 300 euros), qui vient étoffer un fonds de peinture anglaise encore chétif.
Orsay, belles libéralités
Les deux autres mastodontes parisiens, le Musée d’Orsay et le Quai Branly, offrent tous deux un beau tableau de chasse, avec un avantage pour Orsay sur le plan des libéralités (5,3 millions sur 8,3 millions d’euros). Si l’exploit de la donation de la collection nabi en 2011 sera difficile à réitérer, le musée n’a pas à rougir du Poirier d’Angleterre signé Renoir entré par dation, ainsi que du fonds composé d’une centaine d’émaux et de 2 000 dessins d’Enguerrand du Suau de la Croix, offert par l’époux de feue la petite-fille de l’artiste.
Malgré le don de 548 céramiques d’exportation chinoises, vietnamiennes et thaïes (estimé à 250 000 euros), l’année 2012 n’a pas été généreuse avec le Quai Branly. Celui-ci a mis la main au porte-monnaie, notamment pour l’achat d’une statue Songye (XVIIe siècle) du Congo (1,5 million d’euros). Pour les autres musées nationaux aux poches et aux réseaux moins garnis, le mécénat au sens large constitue une donnée indispensable de l’équation. Sur ses 9,3 millions d’euros d’acquisitions, le Musée Guimet comptabilise 8,2 millions en libéralités, avec par exemple le don d’une cloche en bronze d’époque Choson (1582) de la province du Kyonggi-don (4,5 millions d’euros). Et le Musée national du château de Compiègne (Oise) a pu s’offrir le Don Quichotte désarmé par les demoiselles de la duchesse de Charles Joseph Natoire, considéré « trésor national », avec l’appui de la société Ponthieu-Rabelais.
Côté œuvres d’intérêt patrimonial majeur, le Musée national de la Renaissance à Écouen (Val-d’Oise) a complété sa collection d’émaux polychromes de Léonard Limosin grâce à la société Vygon ; le château de Versailles poursuit sa reconstitution du premier grand service de table de Louis XV avec l’achat d’une jatte à punch – et l’aide de KPMG ; enfin Les Arts décoratifs ont eu recours à trois mécènes, outre le Fonds du patrimoine, pour acquérir près de 4 000 pièces (boutons, accessoires et documents) venant de la collection Loïc Allio.
Au regard de ces montages financiers, l’achat mené par le Musée national du château de Pau auprès du marchand londonien Rafael Valls, sur les crédits généraux des Musées de France, d’une version de La Procession de la Ligue (v. 1522) attribuée à François II Bunel (100 000 euros) détonne par sa simplicité.
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Musées nationaux, la part du lion
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Musées nationaux, la part du lion