MARSEILLE
La capitale européenne de la Culture, Marseille Provence 2013, remonte au J1 le fil de l’histoire méditerranéenne, de l’antique Troie à la cité phocéenne du XIXe siècle. La création contemporaine n’est pas en reste comme en témoigne la trentaine d’artistes réunis à la nouvelle Tour Panorama, à la Friche la Belle de mai, et bien d’autres propositions.
MARSEILLE - Marseille méritait bien d’obtenir le label de capitale européenne de la culture. Face aux trois autres villes en compétition (Bordeaux, Nice et Toulouse) elle fait depuis toujours montre d’une très intense activité, et ce dans tous les domaines de la création artistique, même s’il est permis de douter comme l’affirme son maire (UMP), Jean-Claude Gaudin, que le jury a notamment été séduit par la visite des ateliers mis en place à la prison des Baumettes, « qui permettent [aux détenus] de s’évader par l’esprit ». La mise en avant de la création locale a toutefois de quoi surprendre. Dans le Pavillon M, structure temporaire jouxtant la mairie et devant servir d’interface informative tout au long de cette année, se révèle une affligeante « foire aux croûtes » : les vieux réflexes clientélistes ont la vie dure ! Cela est d’autant plus problématique que c’est là que les visiteurs de tous bords en quête d’informations commenceront probablement leur périple.
La cité phocéenne accusait en outre, face à ses rivales, un considérable retard en termes d’équipements. Il est désormais en passe d’être comblé grâce aux nombreuses réalisations égrenées par l’édile à quelques heures du lancement des festivités célébrant l’ouverture de Marseille Provence 2013 (MP 2013). C’était afficher là une belle forme de cynisme amnésique en occultant un peu vite que, depuis son accession à l’Hôtel de ville en 1995, la culture n’a pas vraiment été sa priorité. La déconfiture du Musée d’art contemporain – dont le budget s’est progressivement réduit à la portion congrue – n’en est qu’un exemple d’autant plus cruel que les organisateurs de la capitale culturelle n’ont pas jugé bon de l’inscrire dans le calendrier d’ouverture, le laissant patienter jusqu’au 24 mai prochain pour y voir une exposition labellisée.
La Friche à l’honneur
En termes d’équipements relatifs au champ contemporain, c’est la Friche la Belle de mai qui est à la fête, remarquablement rénovée et agrandie par l’architecte Matthieu Poitevin, pour un investissement global de 23 millions d’euros. Avec la nouvelle Tour Panorama, ce sont désormais 4 300 mètres carrés flambant neufs répartis sur cinq niveaux qui sont dévolus aux arts visuels et sont complétés par un « Panorama » en porte-à-faux de 475 mètres carrés de surface. Alain Arnaudet, son directeur, peut affirmer sans se tromper que « ce changement de format en fait un lieu emblématique de Marseille », tout en s’interrogeant à dessein sur l’après : « 2013 est un tremplin, mais il nous faut trouver de nouveaux moyens. » Proposition emblématique d’une programmation – situation géographique oblige – largement tournée vers la Méditerranée, l’exposition « Ici, ailleurs » imaginée par Juliette Laffon, conseillère artistique pour MP 2013, y ouvre le bal. Avec 39 artistes natifs de pays méditerranéens et nombre de nouvelles productions, la préoccupation d’une mondialisation déniant la possibilité d’une identité réductible à une question de territoire ou de nationalité y est centrale.
Abordant des questionnements relatifs à la mémoire, la migration, la sensibilité à l’autre, le croisement des cultures ou la transmission de l’histoire, l’ensemble souffre cependant d’un manque de lien et de sa nature même : avec près de la moitié des artistes s’exprimant à travers la vidéo, la visite nécessiterait de nombreuses heures. Quelques perles y sont à glaner, tel le nouveau film de Danica Dakic tourné sur le toit de l’Unité d’habitation de Le Corbusier avec des enfants de l’école maternelle située dans l’immeuble, qui devient un théâtre propice à la confection de récits (Cité, 2012), ou le second volet, réalisé dans la région, de l’histoire des croisades revue par Wael Shawky à travers la mise en scène de marionnettes (Cabaret Crusades : The Path to Cairo, 2012).
Propositions hasardeuses
Portée par des questionnements similaires, l’exposition « Cadavre exquis. Suite méditerranéenne » organisée par le Musée Granet, à Aix-en-Provence, se montre quant à elle peu convaincante.
Construire un parcours sur l’idée du jeu surréaliste – soit en dévoilant progressivement à chaque invité la teneur du projet de celui qui le précède dans les lieux avant de le laisser libre de faire une proposition – se révèle être une bien mauvaise idée. À l’inverse de générer des dialogues, elle compose un collage sans aucune structure, d’autant que la plupart des œuvres des quinze protagonistes se montre bien faible. Y surnage un film de Sharif Waked montrant un âne noir passant sous la douche afin de lui ôter la peinture blanche le faisant passer pour un zèbre afin de continuer à attirer du public au zoo de Gaza (Bath Time, 2012) et une production de Sigalit Landau, où la récolte des olives dans un kibboutz devient une action terriblement violente (Soil Nursing, 2012). La présence de cette dernière artiste, ici comme à Marseille, rappelle que l’ensemble de ces réflexions sur l’espace méditerranéen laisse singulièrement de côté Israël dont elle est la seule représentante. Que la politique israélienne à l’égard des territoires palestiniens soit contestable ou discutable n’enlève rien au fait que le pays recèle nombre d’artistes pertinents et talentueux, dont certains abordent de telles problématiques et qui auraient eu toute leur place dans ces manifestations.
Les bords de la Méditerranée, toujours, sont explorés à la Vieille Charité, à Marseille, par Josef Koudelka dans le splendide accrochage « Vestiges 1991-2012 », où ses vues panoramiques de sites archéologiques gréco-romains répartis dans 19 pays se chargent d’une étrange sensation empreinte de détachement, fruit notamment de points de vue singuliers. Avant l’inauguration en mars du nouveau siège du Frac PACA, Pascal Neveux, son directeur, a imaginé un projet au long cours, vaste programme d’une soixantaine d’expositions couvrant le territoire régional tout au long de l’année. Dans la Chapelle du centre d’art des Pénitents noirs, à Aubagne, le premier acte de cet « Ulysses, itinéraire d’art contemporain » donne la parole à Mona Hatoum avec un survol de son œuvre en une douzaine de travaux de toutes époques ; elle s’y montre toujours duelle, à la fois séduisante et tranchante.
À Aix-en-Provence, Xavier Douroux et Anne Pontégnie ont conçu en une quinzaine d’actes « L’art à l’endroit », un remarquable parcours d’art contemporain où, parce que les œuvres prennent en compte les spécificités des lieux, elles invitent à repenser l’espace commun sans s’imposer, à l’instar du petit théâtre de Franz West installé sur les marches du Palais de Justice (Room in Aix, 2010-2012). Toute à cette célébration d’une culture comme ferment d’un espace régional, Maryse Joissains-Masini, maire d’Aix-en-Provence qui pourtant accueille en son Hôtel de ville une pièce de Xavier Veilhan, ne craint pas la contradiction en laissant pendre sur sa façade une banderole hostile au projet de métropole marseillaise. L’union par la culture semble là n’être que de circonstance !
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MP13 - Une capitale contemporaine
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Abonnez-vous dès 1 €Vue du Panorama depuis la terrasse entre ciel et terre, Friche de la Belle de Mai, Marseille, ARM Architecture (Matthieu Poitevin et Pascale Reynaud). © Photo : Olivier Amsellem.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°384 du 1 février 2013, avec le titre suivant : MP13 - Une capitale contemporaine