Au moins cinq sites d’exposition avec « vue sur mer » ainsi que la Belle de Mai en pleine ville, sont en cours de construction ou de rénovation.
Annoncé un temps dans le réhabilité Silo d’Arenc – salle de spectacle inaugurée en septembre dernier –, le cérémonial présidentiel des vœux au monde de la culture, ce mardi 24 janvier, a finalement été déplacé, et pour cause, sur le chantier du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM). Le symbole n’en était que plus fort, Nicolas Sarkozy pouvant, en l’occurrence, mettre à son actif la réalisation de cette institution, le premier – et pour l’heure, le seul – musée national à avoir été décentralisé, contrairement au Centre Pompidou Metz ou au Louvre Lens, tous deux « antennes » d’institutions parisiennes.
Planté – en grande partie – à la charnière entre le Vieux-Port et le nouveau, le MuCEM est le chantier phare de Marseille Provence 2013. L’institution se compose en réalité de trois sites d’une surface totale de 40 000 m2. Réhabilité par les paysagistes de l’agence valentinoise APS, le Fort Saint-Jean – 15 000 m2 – accueillera un jardin méditerranéen et des salles d’exposition logées dans les anciens casernements. À ses pieds, le musée proprement dit, baptisé J4 du nom de l’ancien môle portuaire sur lequel il s’érige, a lui été dessiné par le Bandolais Rudy Ricciotti. Il couvre une surface de 15 000 m2, dont 3 700 m2 d’espaces d’exposition et un auditorium de 400 places. Déjà identifiable, ce « cube minéral » n’attend plus que sa déjà très médiatique « dentelle de béton fibré de 3 cm d’épaisseur » pour s’exhiber telle « une section de roche marine », conçue par l’architecte. À ces deux entités « maritimes » s’ajoute, enfin, le Centre de conservation et de ressources – 10 000 m2, dont les réserves du musée – que construit Corinne Vezzoni dans le quartier de la Belle de Mai. Coût : 199,71 millions d’euros. Budget de fonctionnement : « 25 millions d’euros par an », indique Catherine Sentis, directrice adjointe du MuCEM. L’ensemble devrait être livré à la fin de cette année, avant une inauguration prévue en mai 2013.
Des affectations parfois en gestation
Naviguant côte à côte – trop ? – comme à la parade, un « bâtiment » au nom neutre, le Centre régional de la Méditerranée (CeReM), arbore un effarant porte-à-faux de 40 mètres de long, aussi tendu que la visière d’un danseur hip-hop. Il est l’œuvre de l’Italien Stefano Boeri. Coût : 70 millions d’euros. Étonnamment, son budget de fonctionnement n’est pas encore défini : « Nous y travaillons actuellement », assure Michel Vauzelle, président de la Région PACA. Si, à l’entrée du chantier, un panneau certifie « La Région imagine ! », pour l’heure, le flou est de mise quant à la destination du site, « lieu de toutes les expressions du monde méditerranéen contemporain », qu’annonce la plaquette officielle. « Nous allons montrer que la Méditerranée peut être autre chose que violence et racisme », explique Michel Vauzelle, à travers des « événements » sur le thème sibyllin du « Soft Power, que je traduirais par «diplomatie participative» (sic !) ».
Un peu en retrait du CeReM, la méconnue Station sanitaire, première œuvre de Fernand Pouillon (1949), a été sauvée in extremis de la démolition en 2009 et rachetée par la fondation Regards de Provence, laquelle s’apprête à la transformer en musée – 2 300 m2, réouverture en janvier 2013 –, sous la houlette de Guy Daher (Atelier 9).
À quelques encablures, côté quai de la Joliette cette fois, se construit le Fonds régional d’art contemporain PACA imaginé par le Japonais Kengo Kuma, auteur également du Frac Franche-Comté, en chantier, et du Conservatoire de musique d’Aix-en-Provence – livraison en septembre 2013. Surface : 5 400 m2. Coût des travaux : 22 millions d’euros. Pascal Neveux, directeur du Frac PACA, s’alarme toutefois du « leurre total que constitue une «Capitale européenne de la culture» : une fois la manifestation achevée, l’État n’étant plus prescripteur, mais simplement partenaire, la situation redeviendra très fragile… »
Entre le Frac et le tandem MuCEM-CeReM, un immense hangar oblong, les pieds dans l’eau, a été mis à disposition par le Grand port maritime de Marseille. Le dénommé J1 se réhabilite et offrira en 2013, pour la première fois, 8 000 m2 d’espaces d’exposition.
Seule exception à la « règle », et donc, sans vue sur mer : la reconversion de la célèbre Friche de la Belle de Mai – ancienne usine Seita – menée tambour battant par Matthieu Poitevin (ARM Architecture). Fin décembre, ce site de création tous azimuts devrait disposer des premiers 14 000 m2, dont la Tour Panorama, espace de 4 000 m2 dédié aux expositions temporaires. Coût de l’« opération Panorama » : 18 millions d’euros.
Hormis ce quartier de la Belle de Mai, c’est donc surtout cette langue de terre en front de mer, plus connue sous le label EuroMéditerranée, qui est en ébullition. Outre l’essentiel des projets siglés « MP 2013 » y fleurissent également des initiatives privées. Non loin de la tour de l’armateur CMA-CGM, signée Zaha Hadid (lire encadré ci-contre), actuellement la plus élevée de l’horizon marseillais, un panneau publicitaire annonce la construction prochaine de la H99, tour de 99 mètres de haut. Bref, le port tel que le cinéaste Robert Guédiguian l’a filmé dans son dernier opus Les Neiges du Kilimandjaro ne devrait bientôt plus être qu’un souvenir.
Impossible désormais, quel que soit le point de vue adopté, d’échapper à la « tour Saadé » comme l’appellent déjà les Marseillais, du nom de son propriétaire (Jacques Saadé), le puissant armateur de la CMA-CGM – étonnamment absent de la liste des mécènes de MP 2013. Depuis déjà plusieurs mois, la cité phocéenne a vu s’ériger, dans le périmètre en pleine reconversion du quartier d’affaires « EuroMéditerranée », la première tour de son histoire. Celle-ci est signée Zaha Hadid, l’architecte irakienne — rien de moins –, dont c’était aussi là le premier immeuble de grande hauteur. La star de l’architecture a plus ou moins bien réussi l’exercice. L’implantation de la tour est sans conteste une belle démonstration d’infiltration dans le chaos urbain, sur un terrain coincé entre deux bretelles d’autoroutes et des friches portuaires… Mais en première ligne face au port de commerce. De quoi offrir, à tous les plateaux de cette tour de 147 mètres de hauteur, une vue époustouflante sur tout Marseille, grande bleue comprise. Côté écriture architecturale, le résultat est nettement moins convaincant. Adoptant une forme en « X » étriqué et habillée d’une superposition de murs rideaux avec effet d’échancrure, la tour manque indéniablement de peps face aux anciennes cathédrales industrielles, plus modestes, qui l’environnent. Aussi aguicheuse soit elle.
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Les grands chantiers de la cité phocéenne
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : Les grands chantiers de la cité phocéenne