Vous êtes membre du comité stratégique d’Arte Fiera, la foire de Bologne, qui organise la foire ShContemporary, en septembre, à Shanghai. Quelle est la particularité de ce nouveau salon ?
C’est une foire qui amènera des échanges culturels avec le bassin asiatique. Les artistes d’Inde, de Chine ou de Thaïlande pourront montrer au reste du monde leurs créations. Environ un tiers de la foire se composera de galeries occidentales. Pour notre part, nous aimerions présenter Fabrice Hyber, qui a déjà un projet en Chine, Pierre et Gilles, avec lesquels nous avons inauguré le MOCA de Shanghai en 2005 et qui avaient eu une rétrospective en Corée en 2004. Nous prévoyons aussi Bettina Rheims, qui a vécu quatre mois à Shanghai en 2003, McDermott et McGough, dont on vient de vendre une œuvre à un collectionneur chinois. Comme l’Asie aime le côté star et glamour de l’Occident, notre stand tournera autour de cette idée-là.
Vous participez vous-mêmes à peu de foires, mais exposez plutôt vos artistes dans des musées. Pourquoi cette stratégie ?
L’exposition permet de montrer réellement un travail de manière dialectique. Un stand est forcément plus limité, d’autant plus que sur les foires, par nature commerciales, il faut des œuvres à vendre. En revanche, pour des expositions muséales, on peut emprunter des œuvres aux collectionneurs ou aux institutions. Par ailleurs, la visibilité est sans commune mesure avec celle d’une foire. Regardez, pour le total des neuf expositions itinérantes de Bettina Rheims, on a compté 243 000 entrées.
Quel est exactement votre rôle dans ces expositions ?
Nous prenons en charge l’information, ce qui va de l’iconographie aux noms des collectionneurs que nous communiquons aux musées pour les prêts.
Nous trouvons aussi les connexions avec les éditeurs pour qu’ils produisent les catalogues, ce qui décharge le musée de ce financement-là.
Pierre et Gilles, qui auront une exposition au Jeu de Paume, à Paris, en juin, comptent parmi les artistes français les plus connus à l’étranger. Comment expliquez-vous que la France fasse encore la fine bouche à leur égard ?
C’est un problème qu’ont aussi rencontré Gilbert & George en Angleterre. La Tate Modern ne leur a rendu hommage qu’après quarante ans de carrière. Le travail de collaboration à quatre mains tel que le pratique Pierre et Gilles est vieux comme le monde, mais la perception en reste difficile. On veut toujours identifier la part de l’un et de l’autre. Or, dans leur cas, il y a une fusion totale de corps et d’esprit qui fait qu’on perd de vue qui fait quoi. Ce n’est que depuis peu qu’on s’intéresse au couple d’artistes et non à la figure isolée. Leur homosexualité soulève aussi des réticences. Comme ils jouent sur l’icône, en empruntant notamment au monde de la chanson et du cinéma, les gens n’ont pas mesuré la profondeur dans leur travail. Ils ne sont pas non plus mondains et en France, beaucoup d’artistes ont été soutenus par l’institution grâce à un jeu de mondanités et de « copinage ».
En revanche, ils sont très appréciés aux États-Unis, où la presse a souvent reproduit leur travail.
Pourquoi n’ont-ils pas de galerie américaine ?
Ils ne produisent que 20 à 25 œuvres par an. Comme nous avons pas mal de demandes, il n’est pas possible d’organiser des expositions commerciales dans d’autres galeries. Nous avons eu une expérience en 2001 avec Robert Miller [New York], mais ils ont vendu principalement à nos propres clients.
Comptez-vous quitter l’avenue Matignon, connotée trop antiquaire, pour un autre quartier ?
C’est un problème très [parisien]. Ce qui importe dans une galerie, c’est son sérieux et son honnêteté, pas son emplacement. Nous nous sommes établis dans ce quartier en 1994 de par la proximité avec les grands palaces parisiens où descend la clientèle étrangère. Je n’ai jamais vu de collectionneurs se plaindre de notre présence ici. Nous sommes une galerie de premier marché, avec des exclusivités mondiales pour Pierre et Gilles, Bettina Rheims, Fabrice Hyber et David Mach et des exclusivités en France pour Shirin Neshat et Penk. Si on déménage un jour, ce ne sera pas pour une question d’image, mais pour davantage d’espace.
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Jérome de Noirmont, galeriste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°256 du 30 mars 2007, avec le titre suivant : Jérome de Noirmont, galeriste