« Avec Lam, il s’agit comme jamais de peinture », a écrit le poète André Breton. Pas seulement. Derrière ses tableaux peuplés de créatures hybrides se cache une véritable révolte.
Si ce qui est rare est cher, la rétrospective de Wifredo Lam à Nantes vaut de l’or. Il est exceptionnel de voir réunies en France, hors des foires commerciales, plus de trois œuvres de cet homme qui sut donner forme à une utopie aujourd’hui si importante : la culture du métissage. De Composition 1 (1930) à Personnage à la main (1975), une soixantaine de peintures, de dessins et de céramiques mettent l’accent sur le parcours prémonitoire du premier artiste cubain à avoir atteint une notoriété internationale.
Quasiment inconnu à son arrivée à Paris en 1938, il expose en 1942 à la galerie Pierre Matisse de New York. Trois ans plus tard, le Museum of Modern Art achète La Jungle, peinte à Cuba en 1943. Quarante ans ont été nécessaires à Wifredo Lam pour parvenir à faire apparaître sur la toile « ce qu’il y a de plus essentiel à l’intérieur de mon être ». Quarante années riches de bonheur et de souffrance, riches des senteurs magiques de son enfance, des longues séances d’apprentissage indispensables pour « reproduire » un visage sur une feuille de papier. Riches aussi de trop de rencontres avec la mort : celles de sa femme et de son fils, celles de la guerre civile espagnole.
Singulier, Wifredo Lam l’est également par ses engagements politiques, parfois curieusement passés sous silence : il était absent de l’exposition « Face à l’histoire. L’artiste moderne devant l’événement historique » au Centre Pompidou en 1996 ! Son engagement auprès des républicains face aux troupes de Franco ne fut pas sa seule prise de position politique.
Sa toile La Jungle est perçue comme « le premier manifeste plastique du tiers-monde ». Il prend parti pour la révolution cubaine face à la dictature de Batista et attire l’attention sur l’héritage africain de Cuba, dénonçant au passage ce qui fut le terreau de l’esclavage : la dictature du profit à tout prix.
Wifredo Lam ne fut pas seul dans ses combats pour plus d’humanité. Il a entretenu des relations avec un nombre incroyable d’écrivains de tous pays et de toutes obédiences : Michel Leiris, André Breton, Victor Serge, Alejo Carpentier, Aimé Césaire, Pierre Mabille, Fernando Ortiz, Tristan Tzara, Benjamin Péret, Artur Lundkvist, René Char, André Pieyre de Mandiargues, Lasse Söderberg, Eugène Ionesco, Philippe Soupault, Louis Althusser, entre autres, surent trouver les mots pour évoquer la puissance de ses univers tumultueux habités de créatures hybrides et fantasques.
À lire en ligne la chronique de la monographie de Wifredo Lam parue aux Éditions HC (Jacques Leenhardt, Wifredo Lam, 320 p., 50 euros).
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Wifredo Lam, militant poétique
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Abonnez-vous dès 1 €Infos pratiques. « Wifredo Lam. Voyages entre Caraïbes et avant-gardes », jusqu’au 29 août 2010. Musée des
Beaux-Arts de Nantes. Tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 18 h, jusqu’à 20 h le jeudi. Tarif : 6 et 3,60 e. www.nantes.fr
L’âme de la solidarité. Découvert au cours d’un voyage en 1946, l’art haïtien a eu une influence sur l’œuvre de Lam. Ce patrimoine multiculturel est aujourd’hui menacé de disparition suite au séisme de janvier dernier. Parmi les programmes de sauvetage, celui de l’ONG Patrimoine sans frontières vise à restaurer les peintures murales de la cathédrale de la Trinité à Port-au-Prince, emblématiques de l’art naïf. Un projet de longue durée qui implique la formation des ouvriers ainsi que la recherche des photographies des œuvres avant séisme. www.patrimsf.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : Wifredo Lam, militant poétique