Soixante-quinze chefs-d’œuvre d’Océanie et d’Insulinde, issus de la collection Barbier-Mueller, sont réunis dans la Chapelle de la Vieille Charité. Un panorama somptueux sur les arts primitifs du Pacifique, mais aussi sur les arts de l’Indonésie, dont le musée de Genève possède une exceptionnelle collection.
MARSEILLE - Après Barcelone pour les arts précolombiens, le Musée Barbier-Mueller a choisi Marseille pour un dépôt de trois cents pièces océaniennes à partir de l’an 2000, et pour trois ans renouvelables. Une belle occasion pour les Musées de Marseille de se porter acquéreur de cette collection, que certains n’hésitent pas à qualifier de “mythique” (lire le JdA n° 59). D’ailleurs, Jean-Paul Barbier ne souhaite pas laisser la totalité des 5 à 6 000 objets qu’il possède aujourd’hui à ses fils, “qui ne sont pas des connaisseurs en matière d’art africain et océanien”, confie-t-il dans un entretien accordé à Alain Nicolas, directeur du MAAOA. En attendant, comme une sorte d’avant-première, une sélection de soixante-quinze chefs-d’œuvre – statues d’ancêtres, masques, objets cérémoniels – des mers du Sud est présentée sur deux niveaux dans la chapelle de la Vieille Charité.
Bien connue des amateurs d’art primitif, cette collection océanienne et indonésienne couvre un large champ géographique, qui s’étend de Bornéo aux îles Australes en passant par la Papouasie Nouvelle-Guinée. D’une grande qualité, elle n’avait jamais été exposée dans son ensemble. Quant à son origine, elle remonte à Josef Mueller, qui a collecté les premiers objets “nègres” auprès de marchands parisiens entre les deux guerres, mais “c’est à son retour en Suisse, en 1942, qu’il commence à acquérir des pièces d’Océanie, et surtout après 1945, lorsqu’il fait la connaissance de Eckert, un collectionneur et marchand de Bâle correspondant de Speyer”, raconte Jean-Paul Barbier. Celui-ci a continué l’œuvre de son beau-père avec passion. Il a réussi à rassembler des pièces rares (fonds anciens de musées allemands) et à former de remarquables ensembles d’Océanie – on se souvient de l’exposition “Nouvelle-Irlande” à Paris –, mais surtout, il a commencé à collecter, dès les années soixante-dix, parfois directement sur place, l’art indonésien. Peu prisées à l’époque, ces sculptures occupent une place de choix dans les collections Barbier-Mueller. La trentaine de pièces présentées à Marseille, provenant entre autres de Sumatra, Sulawesi ou Timor, sont assez représentatives de la “spécialité” du musée suisse, relayée par le volumineux catalogue qui fait la part belle aux arts de l’Insulinde. Douglas Newton, ancien directeur du département d’Art primitif du Metropolitan Museum of Art à New York, a réuni pour l’occasion trente-trois spécialistes qui ont écrit sur presque autant de régions. Dans ce panorama très complet, de Taiwan à Tahiti, cohabitent une incroyable variété de styles et de formes dont l’exposition donne une vision condensée : les austères effigies d’ancêtres de l’Insulinde ou les masques “baroques” malangaan (Nouvelle-Irlande) contrastent avec la sculpture abstraite et épurée d’un manche de chasse-mouches polynésien. En particulier pour la Mélanésie, les sculptures “parlent” leur propre langage. “Plus l’objet est complexe, plus ses formes sont imbriquées, plus il ouvre à des interprétations multiples”, souligne Philippe Peltier, un des rares auteurs à tenter une analyse ethno-esthétique. Il existe même une “capacité à jouer de la métamorphose, à multiplier les sens des objets, au point parfois d’en brouiller le déchiffrement. Ce jeu, noté et admiré par les surréalistes, prend souvent des aspects inattendus”.
ARTS DES MERS DU SUD, INSULINDE, MÉLANÉSIE, POLYNÉSIE, MICRONÉSIE DANS LES COLLECTIONS DU MUSÉE BARBIER-MUELLER, jusqu’au 4 octobre, Musée des arts africains, océaniens, amérindiens (MAAOA), Centre de la Vieille Charité, 2 rue de la Charité, Marseille, tél. 04 91 14 58 80, tlj sauf lundi 11h-18h. Ouvrage collectif sous la direction de Douglas Newton, édition Adam Biro, 540 ill., 368 p., 390 F. publié en allemand et en anglais par Prestel Verlag.
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Voyage dans les mers du Sud
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°62 du 5 juin 1998, avec le titre suivant : Voyage dans les mers du Sud