Le Musée des beaux-arts de Nantes retrace les années italiennes de l’artiste français.
NANTES - Pour valoriser son fonds caravagesque, le Musée des beaux-arts de Nantes a fait appel à Dominique Jacquot, spécialiste du XVIIe siècle et conservateur au Musée des beaux-arts de Strasbourg. Le jeune historien de l’art y avait déjà organisé en 2005 une exposition autour d’une œuvre issue des collections strasbourgeoises, Loth et ses filles de Simon Vouet (1590-1649). Ce propos lui avait permis d’évoquer plus largement l’école de Vouet et les artistes français du Grand Siècle. Il récidive aujourd’hui pour l’institution nantaise en abordant, cette fois, l’œuvre italien de Simon Vouet. L’artiste séjourna à Rome de 1613 à 1627, époque à laquelle la fièvre du caravagisme s’était emparée de la scène artistique. Pour Adeline Collange, co-commissaire de la manifestation, et Dominique Jacquot, il s’agit de mettre en lumière « un artiste encore trop peu connu », en dépit de la rétrospective de Jacques Thuillier au Grand Palais en 1990, et de lui redonner la place qu’il mérite dans l’art italien du Seicento. Durant les quinze années passées à Rome, Vouet a réalisé une centaine de compositions, parmi lesquelles un portrait du pape en 1624 ; il fut le premier à recevoir une commande pour la basilique Saint-Pierre de Rome à l’arrivée d’Urbain VIII, et a été nommé prince de l’Académie de Saint-Luc (la confrérie des peintres). En résumé, « Vouet fut entre 1624 et 1627 le premier peintre de Rome », affirme Dominique Jacquot, et l’un des « artisans majeurs de l’émergence de la peinture baroque à Rome ».
Servie par une scénographie judicieuse, l’exposition, réalisée avec un budget serré (200 000 euros) et dans des espaces difficiles (sous la grande verrière du musée), réunit une pléthore de prêts internationaux prestigieux – citons La Nativité de la Vierge de l’église San Francesco a Ripa de Rome ou encore La Circoncision (1622), tableau d’autel prêté par Naples – et nombre d’inédits. Ainsi de La Madeleine pénitente (vers 1616) en mains privées tout comme Le Ravissement de saint François de Paul (vers 1626), petite esquisse restaurée pour l’occasion, et cette Sainte Catherine, réapparue en 2007. Autre performance à saluer : la réunion des deux tableaux que Vouet réalisa sur le thème, très caravagesque, de la Diseuse de bonne aventure, la version de 1617 conservée à Rome et redécouverte en 1997 à la suite de travaux de restauration, et celle de 1620 provenant d’Ottawa. La confrontation des œuvres devrait permettre aux chercheurs de progresser quant à l’épineuse question de l’attribution. Ainsi pour Saint André (datée vers 1618) ; ou encore Psyché contemplant l’Amour endormi (vers 1625), rejetée par Pierre Rosenberg, Stéphane Loire et Sylvain Laveissière, mais à propos de laquelle Dominique Jacquot se demande si elle n’est pas un original usé. Certaines datations pourraient également être confirmées, notamment celle du Saint Jérôme et l’Ange de la National Gallery of Art de Washington, estimée aux alentours de 1620-1621.
« Éclectisme créateur »
Bien qu’érudit, le parcours ne s’adresse pas qu’aux spécialistes. Très pédagogique, la scénographie permet à tout visiteur de se repérer facilement et de capter d’un seul regard les étapes qui jalonnent la carrière italienne de Vouet. Le Temps vaincu par l’Espérance, l’Amour et la Beauté, dernier tableau de la période romaine à la facture lumineuse et témoignant d’un certain naturalisme, tranche ainsi radicalement avec les toiles du début. Le jeu des perspectives offert par les cimaises placées en biais permet de percevoir, par exemple, de grandes similitudes entre le modèle ayant posé pour Le Portrait de jeune homme (1616) du Louvre et celui du Jeune homme à la figue du Musée des beaux-arts de Caen (1615). Les copies, présentées en retrait, sont immédiatement identifiables. Le retable aujourd’hui disparu de Saint-Pierre est évoqué au travers d’œuvres habituellement dispersées aux quatre coins du globe : le bozzetto [ébauche] et quatre fragments (sur la partie haute du retable) du grand modello réalisé ensuite, lequel représente des groupes d’anges portant les instruments de la Passion ou se tenant assis sur des nuages. Co-organisateur de la manifestation, le Musée des beaux-arts de Besançon a le privilège, pour des raisons de conservation, de présenter les dessins romains de sa collection. Le public nantais devra se contenter d’une galerie de gravures.
Quant à la question du caravagisme dans l’œuvre de Vouet, elle constitue, d’après Dominique Jacquot, « un point de départ et non une finalité en soi. Vouet témoigne d’un éclectisme créateur : nul pastiche, nulle influence passivement subie mais un effort conscient de faire son miel à partir de plusieurs sources. » Le conservateur préfère évoquer le Vouet chef de file de la communauté des artistes français à Rome et ses liens avec Claude Vignon, Charles Mellin ou Claude Mellan, dont les œuvres concluent ce brillant parcours. Rappelé en France par Louis XIII en 1627, Vouet quitte précipitamment Rome. Près de quatre siècles plus tard, Dominique Jacquot ne peut s’empêcher de « rêver au cours différent qu’aurait pris la peinture romaine sans le rappel de Vouet à Paris »…
SIMON VOUET. LES ANNÉES ITALIENNES, jusqu’au 23 février 2009, Musée des beaux-arts, 10, rue Georges-Clemenceau, 44000 Nantes, tél. 02.51.17.45.00, tlj sauf mardi 10h-18h, 20h le jeudi. Catalogue, éd. Hazan, 206p., 30 euros.
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Vouet, premier peintre de Rome
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaires : Dominique Jacquot, conservateur au Musée des beaux-arts de Strasbourg, Adeline Collange, conservatrice au Musée des beaux-arts de Nantes
Scénographie : Atelier Caravane
Nombre d’œuvres : 84
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Vouet, premier peintre de Rome