PARIS
PARIS - Trempée jusqu’aux os ! Il y a cent ans, en janvier 1910, la capitale était envahie par les eaux de la Seine, qui montèrent jusqu’à 8,50 mètres !
Cette crue – la plus importante depuis 1658 – avait été causée par de mauvaises conditions météorologiques : un été 1909 pluvieux et un hiver non moins abondant en chutes d’eau et de neige. La région parisienne puis la capitale sont alors touchées par des inondations d’une ampleur exceptionnelle. L’eau s’infiltre partout, en sous-sol comme en surface, des abords de la Seine aux rues avoisinantes et jusqu’à la gare Saint-Lazare.
La Ville Lumière prend des allures vénitiennes, et se voit privée de métro mais aussi, pour partie, d’électricité et de communications. Un siècle plus tard, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris redonne vie à cet épisode à travers plus de deux cents documents – photographies, cartes postales, affiches, presse, archives ou encore dessins et peintures – venant témoigner de l’impact de l’inondation et de sa couverture médiatique.
Le parcours, aussi pragmatique qu’esthétique, mêle les éléments « formels » de la gestion de la catastrophe – tels les bulletins d’annonce de crue constatant avec impuissance la montée quotidienne des eaux durant la « semaine terrible » – aux clichés et autres représentations d’une capitale à l’aspect inédit et photogénique.
Après un bref rappel historique des crues de la Seine au cours des siècles, sont abordées les causes de celle de 1910, de même que la montée du niveau de l’eau. Puis la présentation prend un tour caustique, s’arrêtant sur la faune parisienne et son habitude étonnante « d’aller à l’inondation » comme on va au théâtre.
Sur les photographies jaunies, une foule apprêtée se presse sur les ponts, tandis que les aquarelles de Louis Perrin (1871-1940) saisissent la vision inédite de cette ville romantique baignée par les flots. Un humour certain rejaillit du traitement de l’inondation, à l’image de l’Hôtel de Venise d’Asnières-sur-Seine (photographié par Maurice Branger pour l’agence Roger-Viollet), immortalisé ironiquement sous les eaux.
Après la pluie vint le beau temps : à la suite de l’élan de solidarité, en provenance des pouvoirs publics mais surtout du peuple, c’est la décrue qui s’annonce. La capitale, encore inquiète du souvenir de l’épidémie de peste de 1884, sera nettoyée en deux mois après que la Seine a finalement regagné son lit, en mars. Les publicitaires s’en donnent alors à cœur joie, vantant par le biais d’affiches les propriétés de produits détergents et désinfectants – une section à mille lieux des considérations écologiques actuelles !
L’inondation, dont la dernière partie de l’exposition relate la couverture médiatique sans précédent, est demeurée profondément ancrée dans l’histoire de la cité, annonçant une meilleure anticipation de tels phénomènes par les autorités. Une occasion de se replonger dans l’histoire de Paris, au sec.
Commissaire : Emmanuelle Toulet, responsable de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, avec la collaboration de Carole Gascard, conservatrice responsable des collections iconographiques
PARIS INONDÉ 1910, jusqu’au 28 mars, Galerie des bibliothèques de la Ville de Paris, 22, rue Malher, 75004 Paris, tél. 01 44 59 29 60, www.paris.fr, tlj sauf lundi 13h-19h, nocturne jusqu’à 21h le jeudi.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°318 du 5 février 2010, avec le titre suivant : Voir Paris inondé