Le Palais des beaux-arts de Lille se penche sur les premières images constitutives de l’orientalisme d’œuvres orientalistes contemporaines.
LILLE - En miroir de l’exposition « Istanbul, traversée », imposée par la municipalité de Lille dans le cadre de l’opération « lille3000 », le Palais des beaux-arts a entrepris de sonder les racines picturales de l’orientalisme mais aussi, et surtout, d’identifier ses avatars modernes. « Miroirs d’Orients » se divise en trois chapitres. Le premier tourne autour du dessin, celui prisé par les artistes français au cours de leurs pèlerinages effectués au Maghreb – Chassériau, Fromentin, ou encore Émile Marquette, dont une remarquable série d’aquarelles a été restaurée pour l’occasion. Autant de paysages, de scènes de rue et de portraits pris sur le vif à l’origine d’un vocabulaire que l’on retrouve décliné ad libitum dans les grandes compositions peintes réparties dans la collection permanente du musée lillois. La peinture est donc exclue de cette exposition. L’accent est mis sur la genèse, la façon dont l’Orient est traduit à chaud par les observateurs étrangers. Même la photographie, de nature touristique ou documentaire, au regard supposé plus « objectif », perpétue cette vision de l’autre, portée par l’esprit romantique et une littérature foisonnante.
« Arabian fantasy »
Vient ensuite l’étape du miroir, illustrant la manière dont les artistes contemporains (et pas seulement du Maghreb) se sont approprié avec intelligence et imagination les codes d’un passé qu’on leur a inventé : les paysages fantasmagoriques de Kahn & Selesnick, héritage de l’arabian fantasy hollywoodienne, le fantasme du harem d’Anton Solomoukha, les coiffes de mariées portées par Kimiko Yoshida… Chargé de la programmation contemporaine au musée, Régis Cotentin en profite pour souligner le travail précurseur de Yasmina Bouziane, dont les autoportraits photographiques minutieusement codifiés ont précédé la célèbre (et provocante selon certains) série de portraits de femmes iraniennes, Ghajar, de Shadi Ghadirian.
Trop succincte, cette exposition devrait servir de matrice à une plus vaste étude sur le sujet, à l’image de « Voir l’Italie et mourir », actuellement présentée au Musée d’Orsay, à Paris – la photographie Windows on the Bosphorus du baron Adolphe de Meyer n’est d’ailleurs pas sans rappeler certains clichés de Venise exposés à Orsay. Car si la partie photographique est satisfaisante, la section réservée aux dessins, elle, aurait mérité d’être étoffée de plus d’un coup de crayon du maître Delacroix. De même la section contemporaine, soucieuse de montrer des séries dans leur intégralité, laisse-t-elle le visiteur quelque peu sur sa faim.
MIROIRS D’ORIENTS. DESSINS, PHOTOGRAPHIES, AUTOCHROMES, VIDÉO, jusqu’au 31 août, Palais des beaux-arts, place de la République, 59000 Lille, tél. 03 20 06 78 00, www.pba-lille.fr, tlj sauf mardi, 10h-18h, 14h-18h le lundi. Catalogue, coéd. Palais des beaux-arts,Lille/Somogy Éditions, 128 p., 120 ill., 25 euros, ISBN 978-2-7572-0293-7.
MIROIRS D’ORIENTS
Commissaires : Cordélia Hattori, chargée du cabinet des dessins ; Jean-Marie Dautel, attaché de conservation ; Régis Cotentin, chargé de la programmation contemporaine, au Palais des beaux-arts
Nombre d’œuvres : plus de 200 réparties en trois sections (dessins et croquis, photographies et œuvres contemporaines)
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Voir le Maghreb et mourir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°304 du 29 mai 2009, avec le titre suivant : Voir le Maghreb et mourir