Espace d’intimité, de travail, ou lieu de sociabilité, chaque pièce de la maison italienne remplit, à la Renaissance, une fonction bien définie. Promenade dans « l’appartement témoin » du musée V&A.
Introduite par la présentation de la maquette du Palazzo Strozzi de Florence (construit à partir de 1489), l’exposition se propose de restituer l’atmosphère de l’étage d’apparat, le piano nobile, d’une grande demeure italienne. Comme nous l’indiquent les traités de l’époque, dont le célèbre Traité d’architecture de Filarete, dédié à Pierre de Médicis, et malgré quelques spécificités toscanes, vénitiennes, romaines ou génoises, le début de spécialisation des espaces de la maison aboutit à une articulation en trois pièces principales.
La « sala » et la « camera »
La première d’entre elle est la sala, c’est-à-dire la pièce de réception. De proportions vastes, destinée à l’accueil des hôtes, celle-ci est souvent décorée de manière somptueuse. C’est le lieu des banquets, dont l’image inspirée des Noces de Cana de Tintoret (vers 1561-1570), qui prend place dans un intérieur contemporain, nous donne une idée. La sala est en général équipée d’une grande table et de chaises volantes, les sgabelli — littéralement escabeaux — aux dossiers de forme triangulaire et richement sculptés. Des dressoirs permettent par ailleurs de présenter la vaisselle d’apparat.
En Vénétie, les murs sont en général revêtus de peintures, notamment de portraits de famille, ou de tapisseries. En Toscane, en revanche, deux éléments se retrouvent fréquemment : la cheminée monumentale et la fontaine architecturée. Traitées en pierre sombre, elles étaient en général l’œuvre du même artiste. Aucun de ces ensembles n’a malheureusement été conservé in situ, et les deux éléments remontés dans l’exposition, provenant de deux palais différents, sont datés d’une cinquantaine d’années d’écart.
La chambre ou camera est le second élément du dispositif de l’étage noble. Espace plus intime, elle est en général meublée d’un lit, de coffres — les cassone —, et parfois d’un lettuccio dont peu d’exemples sont parvenus jusqu’à nous. Ce précurseur du sofa, souvent surmonté d’un cappellinaio — un élément mural de rangement — est probablement apparu au cours du xive siècle.
Il est courant dans les intérieurs toscans. Son décor peut être constitué d’intarsia — une marqueterie de bois précieux — ou de panneaux peints.
Ce mobilier pouvait être complété par un restello, autre élément mural destiné à ranger les accessoires de beauté, et dont les exemples les plus luxueux étaient dotés d’un miroir. Les panneaux peints illustrant Les Vices et les Vertus dus au pinceau de Giovanni Bellini (vers 1490) étaient vraisemblablement intégrés au décor d’un restello. Leur luxe était parfois tel que les restelli furent interdits par les lois somptuaires de Venise, sans toutefois que leur production s’interrompe.
La chambre était enfin encombrée de divers objets quotidiens et d’images de dévotion, tel ce tondo de La Naissance de saint Jean Baptiste de Pontormo (1526-1530). Des œuvres profanes pouvaient également y orner les murs, l’exemple le plus célèbre étant celui des trois tableaux de La Bataille de San Romano de Paolo Uccello (vers 1438-1440) de la chambre de Laurent de Médicis.
Le « studiolo »
La pièce qui a suscité la plus grande fascination est sans aucun doute le scrittorio ou studiolo, c’est-à-dire le cabinet de travail. C’est en effet pour cette pièce, lieu des activités marchandes florentines, qu’ont souvent été conçus les décors les plus prestigieux. Rapidement, dans les grandes familles, le studiolo devient ainsi une véritable chambre du trésor où sont conservés des objets d’art, des bustes et des portraits, des curiosités, des pièces antiques, des instruments scientifiques et des globes, mais aussi des petits bronzes de collection. Très en vogue, ces derniers reproduisent en miniature des sculptures antiques célèbres qui exaltent les héros de la mythologie.
Lieu de délectation, le studiolo est aussi un espace de représentation sociale, où l’hôte de marque pourra apprécier le goût du propriétaire. Démantelés, ils ne sont souvent connus que par des descriptions ou des catalogues, tel celui de la famille vénitienne Vendramin. Le plus célèbre d’entre eux fut le cabinet de Pierre et Laurent de Médicis, à Florence, où étaient conservées des œuvres majeures de l’histoire de la peinture, comme ce Saint Jérôme dans son étude du Flamand Jan van Eyck (vers 1435).
D’autres pièces pouvaient compléter l’aménagement intérieur, comme le cabinet de musique,
visible sur de nombreuses peintures. À Gênes, certains palais étaient par ailleurs réputés pour leurs bains luxueux. Inspirés des descriptions des bains antiques de Vitruve et des bains turcs, ils étaient décorés de stucs, de fresques et de marbres et faisaient office de véritables lieux de sociabilité, où l’on recevait les hôtes de marque.
Enfin, un espace spécifique tend à faire son apparition : la galerie. Il s’agit là d’une évolution notable du rapport à l’œuvre d’art. Alors que les peintures étaient, au départ, très souvent intégrées au mobilier, elles acquièrent une autonomie progressive pour devenir des objets de galerie. Cette pièce sera appelée à un grand succès au XVIIe siècle.
Bottega : atelier. Camera : la chambre. Cassone : coffre de mariage. Intarsia (du verbe intarsiare, marqueter) : marqueterie. Lettucio : l’ancêtre du sofa. Palazzo : palais. Piano nobile : étage noble. Sala : pièce de réception. Studiolo ou scrittorio : cabinet de travail.
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Visite guidée du palais transalpin
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Abonnez-vous dès 1 €Informations pratiques « At Home in Renaissance Italy » se tient jusqu’au 7 janvier, tous les jours de 10 h à 17 h 45, nocturne le mercredi et le dernier vendredi du mois, fermé du 24 au 26 décembre. Tarifs : environ 10 € et 7 €. Victoria and Albert Museum, Cromwell Road South Kensington, Londres, tél. 44 (0) 20 7942 2000, www.vam.ac.uk
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°585 du 1 novembre 2006, avec le titre suivant : Visite guidée du palais transalpin