Fondation Beyeler, Riehen jusqu’au 16 janvier 2011

Vienne 1900 et la modernité

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 28 octobre 2010 - 379 mots

Capitale de l’Empire austro-hongrois, la Vienne de 1900 est passée à l’histoire pour être l’un des berceaux de la modernité. Créateurs et institutions s’y sont dépensés en énergie et en innovation pour en faire une ville phare dont le rayonnement a très vite diffusé en Europe et au-delà.

Aux noms d’artistes aussi prestigieux que ceux de Klimt et de Schiele, d’architectes aussi déterminants que ceux d’Olbrich et de Hoffmann, s’ajoutent ceux de la Sécession viennoise, fondée en 1897, et de la Wiener Werkstätte, créée en 1903, deux lieux clés pour la production et la promotion de l’esthétique viennoise.

À cette effervescente situation, la fondation Beyeler consacre cet automne une exposition d’ampleur qui s’applique à mettre en exergue la richesse d’invention plastique qui la caractérise, toutes disciplines confondues. Peintures, sculptures, dessins, architectures, photographies et design, voire musique, y sont réunis dans une approche créatrice très diversifiée qu’illustrent encore toutes sortes de créations textiles, d’objets d’art et d’affiches. Parfois même aux antipodes les uns des autres, entre une subjectivité exacerbée et un rationalisme résolument fonctionnel. Ainsi aux portraits et paysages hautement colorés de Klimt – dont la fondation propose une réplique de la célèbre Frise Beethoven (1902) –, aux figures torturées de Schiele, à celles épatées de Schönberg, l’exposition bâloise associe justement les œuvres de Koloman Moser, de Josef Hoffmann, d’Otto Wagner et de Richard Loos.

Si le concept d’« œuvre d’art totale » qui procède de l’heureuse collusion entre arts plastiques et arts appliqués en est l’expression majeure, il trouve un puissant contrepoint dans toute une production graphique d’une extrême sensualité, voire d’un érotisme à fleur de peau, qui a complètement bousculé les habitudes perceptives de la représentation du corps humain. C’est dire si la Vienne de 1900 offre à voir un panel créatif d’un étonnant éclectisme qui ne peut qu’interpeller le regard contemporain si friand du mélange des genres et de créations composites. C’est dire surtout la force de création vitale d’une époque et d’une scène qui a porté au plus haut les termes d’une esthétique de la modernité, jusque dans la littérature avec Kafka et dans les sciences humaines avec Freud.

Voir

« Vienne 1900. Klimt, Schiele et leur temps », fondation Beyeler, Baselstrasse 101, Riehen (Suisse), tél. 00 41 61 645 97 00, www.beyeler.com, jusqu’au 16 janvier 2011.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°629 du 1 novembre 2010, avec le titre suivant : Vienne 1900 et la modernité

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