Vie à l’usine

« Je m’estimerais heureux si mon exposition recevait la visite de quelques travailleurs d’usine venus là de leur plein gré […]. J’aimerais qu’ils sortent avec l’espoir d’une vie spirituelle meilleure. » La cinquième exposition placée sous l’égide des Beffrois de la culture réjouirait sans conteste Marcel Gromaire, l’auteur de cette phrase citée dans le catalogue de la manifestation. Pendant un mois, la mairie de la petite ville d’Aniche, au cœur de l’ancien bassin houiller, peut en effet s’enorgueillir d’accueillir quelques peintures d’Henri Gervex, Fernand Léger ou Marcel Gromaire, prêtées par des musées nationaux et régionaux. Initiative originale organisée en parallèle des manifestations de Lille 2004, les Beffrois de la culture, du nom de cette tour symbole de l’autonomie communale, sont nés d’une volonté d’apporter des chefs-d’œuvre dans des villes échappant au maillage des musées de la région Nord-Pas-de-Calais. Douze villes ont ainsi été choisies pour accueillir chacune une exposition différente, au rythme d’une par mois.
« Nous sommes comme des saltimbanques », s’amuse Danièle Bloch, commissaire « itinérante » de ces manifestations. « Chaque mois nous démontons puis remontons une nouvelle exposition. » Et le pari fonctionne : en janvier, seize mille visiteurs se sont pressés devant les Rodin exposés dans la salle des fêtes de la mairie de Liévin, entièrement rhabillée par Didier Blin, un habitué des scénographies parisiennes.
Ce mois-ci à Aniche, c’est un thème marginal au XIXe siècle, la représentation du travail industriel, qui est évoqué avec des œuvres de Dutilleux, Meunier, Gervex ou Gueldry. Remis au goût du jour sous le Front populaire, le thème séduira les milieux syndicaux de l’après-guerre, mais dans une version hyperréaliste. En 1950, la CGT, qui vient de commander une série sur les mineurs à Fougeron, refuse la proposition de don des Constructeurs de Fernand Léger. Motif : la scène ne respecte pas les règles de sécurité en vigueur sur un chantier !