Biographie

Victor Segalen - Voyageur originel

L'ŒIL

Le 27 juin 2011 - 844 mots

Lorsqu’il débarque aux Marquises, le médecin de la Marine a tout juste 25 ans. Là, en Polynésie, le futur poète découvre la culture maorie et la peinture de Paul Gauguin. Deux révélations qui le conduiront sur la voie de l’écriture.

Voyageur, médecin, musicien averti, linguiste, écrivain, poète, éditeur à Pékin, archéologue, ethnologue, calligraphe, dessinateur, photographe, Victor Segalen (1878-1919) a eu une vie extrêmement riche et trépidante, malgré sa mort prématurée à l’âge de 41 ans. Ses nombreux voyages en tant que médecin de la Marine l’ont conduit vers des contrées lointaines, d’abord en Polynésie puis en Chine, développant une réflexion nouvelle sur l’exotisme, à une époque pétrie d’orientalisme. 

À Tahiti, le déclin de la civilisation
C’est précisément le questionnement de Victor Segalen sur l’exotisme, de sa rencontre avec l’Autre, qui est l’objet de l’exposition « Rencontres en Polynésie », actuellement à l’abbaye de Daoulas, dans le Finistère. Segalen nous guide en Polynésie dans un parcours ponctué d’objets et de documents ayant accompagné son voyage de Tahiti aux Marquises, et nous plonge dans sa réflexion sur l’Autre.  Originaire de Brest, ancien élève des jésuites, Victor Segalen entreprend des études de médecine à l’École de santé navale de Bordeaux, de 1898 à 1902. L’originalité du sujet de sa thèse sur « L’observation médicale chez les écrivains naturalistes », qu’il publie, lui permet d’entrer au Mercure de France et de côtoyer les écrivains et critiques d’art Huysmans et Remy de Gourmont. Son premier texte dans la revue paraît dès 1902, il s’agit d’un article sur le symbolisme intitulé « Les synesthésies et l’école symboliste ».  La même année, Segalen décroche son premier poste en tant que médecin en Polynésie française. Il parcourt les États-Unis jusqu’à San Francisco pour prendre le bateau pour Tahiti, mais tombe malade. Atteint de la typhoïde, il reste sur place pendant deux mois. Durant sa convalescence, il découvre le quartier chinois de San Francisco, rencontre décisive qui le conduira dans la deuxième partie de sa carrière en Chine.

Lorsque Victor Segalen arrive enfin à Tahiti, le 23 janvier 1903, il trouve non pas le paradis perdu, mais une île ravagée par un cyclone. Dès lors, il a le sentiment d’assister au déclin irréversible d’une civilisation, à l’agonie d’un peuple. Son métier de médecin et sa passion pour les arts – il découvre les dernières œuvres de Paul Gauguin – l’encouragent à s’intéresser à cette culture avant la christianisation. Instinctivement, il se met à écrire.
Certes, depuis son départ, il tient un journal dans lequel il note et dessine ses impressions, mais l’idée d’un premier roman, Les Immémoriaux, retraçant l’itinéraire d’un Tahitien qui assiste à l’arrivée des premiers colons et missionnaires européens, se profile. Il sera publié à compte d’auteur en 1907, sous le pseudonyme de Max-Anély. En même temps, Segalen éprouve un étrange sentiment de beauté dans la diversité, de surprise et d’étonnement devant la nouveauté. Il écrira, en 1911, à son ami Henry Manceron : « Je t’ai dit avoir été heureux sous les tropiques. C’est violemment vrai. Pendant deux ans en Polynésie, j’ai mal dormi de joie. J’ai eu des réveils à pleurer d’ivresse du jour qui montait… J’ai senti de l’allégresse couler dans mes muscles. » Les deux années en Polynésie sont capitales pour la suite de sa carrière. 

La découverte de la Chine
De retour à Brest, Victor Segalen épouse Yvonne Hébert, la fille d’un médecin, le 3 juin 1905. Leur fils Yvon voit le jour le 15 avril 1906. La même année, il rencontre Claude Debussy et, à partir de 1907, collabore régulièrement avec le compositeur. Sur ses conseils, il publie dans le Mercure musical un article faisant écho à son roman, Les Immémoriaux, intitulé « Voix mortes : musiques maori ». Au printemps 1908, Victor Segalen, envisageant de se faire affecter en Extrême-Orient, étudie le chinois.
En mars 1909, il est reçu à son examen d’élève interprète de la Marine et obtient un détachement en Chine pour se perfectionner dans la langue et la littérature du pays. Là-bas, il soigne les victimes de l’épidémie de peste en Mandchourie. Fasciné par cette terre, il s’y installe avec son épouse et son fils, pendant plusieurs années. La première édition de Stèles a lieu à Pékin en 1912. En 1914, il part en mission archéologique. L’expédition est interrompue par la guerre, durant laquelle il combat comme fusilier marin. 
Après une dernière mission à Nankin, il meurt accidentellement, en 1919, en Bretagne. La majorité de ses récits font l’objet d’une publication posthume : Orphée-Roi et René Leys en 1921, Voyage au pays du réel en 1929, Lettres de Chine en 1967, La Grande Statuaire chinoise en 1972 et Journal des îles en 1978.

Biographie

1878 Naissance à Brest (29).

1898-1902 Il étudie à l’École de santé navale de Bordeaux (33).

1902 Il part à Tahiti, via New York et San Francisco.

1907 Publication des Immémoriaux.

1909 Départ pour la Chine ou il restera 5 ans.

1914 Il entreprend une mission archéo-géographique et traverse la Chine d’est en ouest avant d’être mobilisé en France.

1919 Décès accidentel à l’âge de 41 ans.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°637 du 1 juillet 2011, avec le titre suivant : Victor Segalen - Voyageur originel

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