Redécouverte

Verrio le caméléon

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2010 - 577 mots

Le Musée des Augustins dévoile l’œuvre d’un peintre italien qui fit carrière à la cour d’Angleterre.

TOULOUSE - Quel visiteur non averti connaît aujourd’hui l’auteur italien de quelques-uns des plus somptueux décors des châteaux anglais de Windsor ou Hampton Court ? Il s’appelle Antonio Verrio (1636-1707). Après des débuts à Lecce et à Naples, il a quitté son pays natal pour la France, d’abord Toulouse puis Paris, avant de gagner la Cour d’Angleterre où il s’installe définitivement en 1672 pour exercer ses talents de décorateur baroque. Peu à peu tombé dans l’oubli, son œuvre commence à refaire surface grâce à différents travaux, notamment une première monographie signée Raffaele De Giorgi (éd. Édifir, Florence, fin 2009), et, aujourd’hui, une exposition au Musée des Augustins.

 L’institution toulousaine possède plusieurs tableaux de l’artiste, qui a résidé dans la ville rose dans les années 1660, parmi lesquels un Saint Félix de Cantalice. Cette huile sur toile ravagée par un dégât des eaux a fait l’objet d’une longue et méticuleuse restauration. Ces travaux ont conduit Axel Hémery, directeur du Musée des Augustins (lire p. 4), sur les traces d’Antonio Verrio. Et plus précisément à Lecce, dans les Pouilles, où sont conservés plusieurs tableaux d’autels venant compléter l’ensemble toulousain. La ville du sud de l’Italie a accepté de prêter cinq toiles de cet artiste influencé par le maniérisme tardif, et tendant à théâtraliser ses compositions.

En témoignent Benjamin accusé du vol de la coupe d’argent et Joseph reconnu par ses frères (1655-1656). « Verrio est un peintre rafraîchissant malgré des défauts de dessin et de composition. On y décèle un enthousiasme chromatique, un vrai plaisir formel et une volonté de raconter des histoires. », commente Axel Hémery.

Un « caméléon »
Pour Saint Just convertit saint Oronze, Verrio a travaillé avec son aîné Giovanni Andrea Coppola. Ce dernier est l’auteur de la plus grande partie de la toile, on y décèle les caractéristiques formelles de Verrio : des drapés denses, des couleurs tranchées et l’utilisation du vermillon, des attitudes très variées, une forte expressivité des visages traités de manière naturaliste. L’artiste savait s’adapter aux désirs des commanditaires ; Axel Hémery parle ainsi de lui comme d’un « caméléon ».

Dans le Saint François-Xavier apparaît au Bienheureux Marcello Mastrilli (1559-1561), destiné au collège des Jésuites, Verrio a conçu une mise en scène poétique et délicate dans le cadre d’une veillée à la chandelle. Lors de sa période toulousaine, où il travaille pour différents ordres religieux, Verrio réalise une synthèse entre le baroque italien et le classicisme français.

Il exécute La Transverbération de sainte Thérèse, le Saint Félix de Cantalice et l’ambitieux Mariage de la Vierge.
Résolument didactique, la démonstration cherche moins à construire une monographie qu’à permettre « la redécouverte d’un artiste oublié », précise Axel Hémery. Les grands décors anglais, en partie détruits, sont évoqués par des esquisses, dessins et gravures. « En Angleterre, Verrio est tombé dans l’oubli presque par omission volontaire.

Les historiens anglais en parlent plutôt en mal, la National Portrait Gallery [Londres] ne présente pas l’Autoportrait de Verrio ici exposé et la Tate n’expose pas le sien ! » L’exposition est une première étape dans la réhabilitation de cet artiste qu’Axel Hémery qualifie volontiers de « Lebrun anglais ».

CHRONIQUES D’UN ITALIEN VOYAGEUR, ANTONIO VERRIO, jusqu’au 27 juin, Musée des Augustins, 21, rue de Metz, 31000 Toulouse, tél. 05 61 22 21 82, www.augustins.org, tlj sauf le 1er mai, 10h-18h, jusqu’à 21h le mercredi. Catalogue, 132 p., 30 euros.

Antonio Verrio

Commissaire : Axel Hémery, directeur du Musée des Augustins

Nombre d’œuvres : 30

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Verrio le caméléon

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