Le photographe américain Lee Friedlander a achevé une nouvelle série consacrée au désert. Explications minimales sur un travail radical.
PARIS. Un désert brûlé de soleil, où le vide désolé côtoie une nature agressive peuplée de branches déchiquetées, de cactus jaillissants : tel est l’étrange environnement qu’a arpenté pendant quinze ans Lee Friedlander. Aucune trace de vie. Sur quelques images seulement apparaît le visage massif du photographe caché par des branches entremêlées, comme en écho à sa série antérieure d’autoportraits. De ce désert de Sonora (Arizona), Friedlander dit avoir pris mille photographies. Il en expose aujourd’hui une infime sélection, regroupée également dans un ouvrage qui frappe par sa vision radicale, par ses tirages extrêmement lumineux où dominent blancs et gris.
Un objectif extraordinaire
Né en 1934 à Aberdeen, Lee Friedlander est un des "monstres" de la photographie américaine, dans la lignée "traditionnelle" des Walker Evans ou de Gary Winogrand dont il était l’ami. Travaillant sur des séries très longues, il a publié treize livres explorant scènes de rue, portraits, nus, architecture… Il est peu disert sur son travail, n’aime pas devoir expliquer ce qui pour lui relève de l’évidence, de l’instinct ou du hasard… Ainsi, si on lui fait observer qu’il travaille habituellement en format rectangulaire et que The Desert Seen décline des images uniquement carrées, le choix n’est pas esthétique mais technique : "J’ai découvert un Hasselblad (6x6) avec un objectif fixe extraordinaire, je suis tombé amoureux de cet appareil". Un objectif particulier à très grand angle, pour paysage et architecture, doté d’une remarquable profondeur de champ et d’une construction optique permettant de minimiser les déformations. Cet intérêt pour le paysage remonte à longtemps, lorsqu’il a découvert la poésie des cerisiers en fleurs au Japon, "cela a été très important pour moi". Quant au désert, c’est le lieu "qui [lui] a paru le plus opposé à [son] environnement habituel". Et les tirages si lumineux, presque blanchis ? Ils rendent au plus près la vérité de la réalité. Friedlander "adore les livres". "Je pense que le livre est le meilleur moyen d’appréhender la photographie, parce qu’on peut les lire et les relire autant de fois que l’on veut. C’est mon expérience personnelle. Quand je prends un livre de Walker Evans, même si je le possède depuis 40 ans, je découvre toujours quelque chose que je n’avais pas vu : les photographies sont si riches en informations". Pourtant cet auteur, quand il travaille sur une série, ne pense pas au livre futur en tant qu’objet, ne le construit pas comme tel : "J’y pense quand j’ai fini". Une image n’est pas faite en fonction des précédentes, "c’est impossible quand on en prend mille, ce le serait pour quatre-vingts ou quatre-vingt-dix". Aujourd’hui, Lee Friedlander continue son travail sur le paysage, dans l’Ouest américain. Énigmatique comme le désert, il n’en dira pas plus.
LEE FRIEDLANDER, jusqu’au 2 août, Galerie Zabriskie, 37 rue Quincampoix, 75004 Paris, tél. 01 42 72 35 47, du mardi au samedi 14h-18h. Ouvrage The Desert Seen, DAP Boston, 724 F.
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Vérité radicale du désert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : Vérité radicale du désert