La rétrospective présentée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris brosse un artiste à l’ambition démesurée.
PARIS - Le projet est énoncé en sous-titre. L’exposition « Van Dongen » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris sonde la personnalité du fauve sur la piste de l’oxymore. « Anarchiste et mondain », Kees Van Dongen l’a été tour à tour, à moins qu’il ne conjuguât ce paradoxe sa vie durant… Le parcours est construit le long de cette ligne biographique, de l’arrivée du peintre à Paris en 1899 où il côtoie les mouvances révolutionnaires, au succès fulgurant de sa peinture incendiaire qui lui permet bientôt de s’installer dans l’atelier de Montparnasse, puis dans la fastueuse villa Saïd (16e arr). L’artiste y donne des soirées extravagantes convoitées par le tout-Paris et entame une carrière de portraitiste de stars, semblant mettre ses pinceaux au service d’une aristocratie qu’il exécrait vingt ans plus tôt. Cette chronique interrompue en 1930 s’abstient par ailleurs de signaler les dérives collaborationnistes de l’artiste, mis au ban après 1945.
La première section s’ouvre sur un autoportrait au corps immense, les mains dans les poches (1895), présageant l’Autoportrait en Neptune de 1922, où l’artiste au sommet de sa gloire se figure sous de fantaisistes attributs divins. Le Hollandais est présenté dès ses débuts sous les traits de l’arriviste, s’empressant de rencontrer les artistes qui occupent le devant de la scène parisienne comme Steinlen, dont il mime le style dans ses illustrations pour le journal Gil Blas. Déjà le dessin étonne par son efficacité. Puis il cherche sa touche en empruntant la technique de Seurat pour ses scènes de cirque, teintées d’une humeur sordide étrangère au premier. Dans l’année qui suit le coup de théâtre des Demoiselles d’Avignon, Van Dongen expose au Salon d’automne ses Lutteuses (1908), une grande toile aux teintes roses où des Vénus aux bras croisées sur la poitrine, prêtes à en découdre, prennent la pose.
Yeux vitreux
Van Dongen s’impose comme le peintre de la nuit parisienne et de ses excès. Sous les lumières artificielles, les visages des femmes se teintent d’improbables ombres verdâtres, leurs yeux immenses trahissent leur appétit sexuel ou sont de simples rectangles noirs où perdre sa vertu. L’accrochage met en scène ce rapport ambigu au modèle féminin dans le face-à-face entre la monstrueuse Modjesko, chanteuse soprano (1907) du Museum of Modern Art, à New York, dinde hurlante à la carnation jaune et aux cheveux bleus, et le portrait attendri de la mère à l’enfant (au titre non moins délicat, Ma gosse et sa mère, 1907). La couleur n’est pas plus complaisante avec les amis du peintre, à en juger par cet effrayant portrait du marchand Kahnweiler aux yeux vitreux et au teint de cadavre (1909). Si la deuxième partie de l’exposition présente moins d’intérêt sur le plan stylistique, le peintre de la vie mondaine piège ses tableaux de détails savoureusement caustiques. Derrière le châle brodé d’or d’une grande odalisque en jarretelles (Tableau, 1913), il place dans le coin de la toile un mendiant grisâtre levant les yeux vers la starlette.
La série des portraits des années 1920 est truffée des mêmes indices de l’ironie de l’artiste qui s’amuse à exagérer l’éclat des diamants ridicules. Presque comique est le portrait de l’actrice Renée Maha (Mlle R. M…, 1920) où deux petites mains entrées dans le cadre viennent présenter un bouquet de chrysanthèmes au regard insatisfait de leur maîtresse.
Commissariat : Anita Hopmans (Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam) et Sophie Krebs (Musée d’art moderne de la Ville de Paris)
Nombre d’œuvres : environ 90
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Van Dongen dans tous ses excès
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 17 juillet, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, 75116 Paris, tél. 01 53 67 40 00, www.mam.paris.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi jusqu’à 22h. Catalogue, éd. Paris-Musées, 255 p., 38 euros, ISBN 978-2-7596-0158-5
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°346 du 29 avril 2011, avec le titre suivant : Van Dongen dans tous ses excès