Van de Velde pionnier du design

À l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance, Bruxelles organise sa première grande rétrospective dans son pays natal. À travers plus de quatre cent cinquante pièces, l’exposition décortique la production de ce créateur extrêmement prolifique et polyvalent. Après s’être essayé, sans grand talent, à la peinture, l’artiste abandonne ses pinceaux et entame une fertile carrière de designer et d’architecte. La manifestation donne à voir l’étendue de ses compétences : porcelaine, bijoux, textile, illustration, mobilier, luminaire et orfèvrerie. Van de Velde vise l’œuvre d’art total, un concept alors au centre des préoccupations intellectuelles et esthétiques. Sa première grande réalisation, sa maison personnelle, la villa Le Bloemenwerf, en est un manifeste ; il y dessine absolument tout, de la structure du bâtiment aux vêtements de son épouse, en passant bien sûr par le mobilier. Prisé pour son style inventif mais sobre, loin du style nouille ou de la surenchère florale, l’artiste est rapidement sollicité à travers toute l’Europe. Au tournant du siècle, il s’installe en Allemagne et dessine de nombreuses villas, mais aussi du mobilier, notamment celui d’un salon de coiffure, partiellement reconstitué dans l’exposition. Ce séjour marque aussi ses débuts dans l’enseignement ; il dirige l’Institut supérieur des arts décoratifs de Weimar, le futur Bauhaus. À son retour en Belgique, il en applique les principes d’enseignement novateurs et crée l’école La Cambre en 1926. À cette époque, l’architecte adopte le vocabulaire plastique du modernisme et flirte avec l’Art déco ; un changement de braquet réussi, puisqu’il livre quelques réalisations exemplaires, dont la bibliothèque de Gand et les pavillons belges des Expositions universelles de 1937 (Paris) et 1939 (New York). Le parcours dense et documenté, qui recrée de belles period rooms, retrace cette carrière exceptionnelle, mais péche cependant par manque de clarté ; et pourtant, face à une telle concentration d’œuvres majeures, on ne saurait bouder son plaisir.