Après la rétrospective Raoul Hausmann organisée en 1994, le Musée d’art moderne de Saint-Étienne expose aujourd’hui pour la première fois quelque soixante clichés issus de son fonds et signés de l’artiste dadaïste.
SAINT-ÉTIENNE - Activiste du mouvement Dada dans le Berlin des années 1920 et pour qui “Dada n’est pas un mouvement mais une nouvelle manière de vivre”, Raoul Hausmann a été théoricien et typographe, peintre et inventeur d’une machine, “l’optophone” (appareil synesthésique qui convertit les couleurs en sons), mais pas photographe. C’est ce qu’il dit. C’est ce qu’il écrit aussi dans Nous ne sommes pas photographe : “La vision, quand elle est créatrice, est la configuration des tensions et des distensions essentielles d’un corps, que ce soit homme, bête, plante, pierre, machine, partie ou entité, grand ou petit ; elle n’est jamais le centre froidement et mécaniquement.” Cette définition vaut pour l’ensemble de son œuvre photographique tant dans sa partie expérimentale, contemplative, que documentaire. S’il invente le photomontage avec Heartfield, Grosz, Johannes Baader et Hannah Höch, Raoul Hausmann passe, à l’instar d’un Rodtchenko ou d’un Moholy-Nagy, à partir de 1927, à la passion de la chimie et du noir et blanc. L’intérêt du cadre, du collage dans la page, des expérimentations et d’une certaine délectation des formes – nus, portraits, paysages, natures mortes, détails ou architectures – sont menées par Hausmann sans aucune raideur. Il n’y a pas de didactisme d’avant-garde dans son travail. L’on ne trouve chez l’artiste aucune allusion à la ville ni au monde du travail, mais plutôt un sens inné du danseur qu’il fut (et August Sander le fixe ainsi, en pantalon blanc, dans son portrait Hausmann danseur, en 1929) dans une candeur de sensations.
La série de ses nus réalisés entre 1927 et 1933 sur l’île de Sylt, en mer Baltique, avec Vera Broïdo, avoue autant une fascination subjuguée pour le corps féminin qu’une juste attention au détail, au placement du corps dans une chorégraphie dont le papier et son cadre forment le plateau d’un théâtre ému. Des photographies quasi ethnologiques – qui semblent avoir été pensées pour une publication jamais aboutie sur l’architecture traditionnelle, lors de l’exil à Ibiza en 1933 –, aux photogrammes réalisés en France dans une grande solitude de moyens, Hausmann explore tous les champs de la photographie.
De nombreuses acquisitions auprès de Marthe Prévost, la dernière compagne de Raoul Hausmann – installé dans le Limousin de 1939 à sa mort en 1971 – ont permis au Musée d’art moderne de Saint-Étienne de constituer l’un des plus beaux fonds de ces photos après ceux de la Berlinische Galerie de Berlin et du Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart.
L’exposition stéphanoise, malgré une présentation muséographique sans grand soin, donne l’occasion de découvrir l’invention et la chronique d’une passion.
- RAOUL HAUSMANN, PHOTOGRAPHE, jusqu’au 28 mai, Musée d’art moderne, la Terrasse, 42000 Saint-Étienne, tél. 04 77 79 52 52, tlj sauf mardi 10h-18h
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Une passion photographique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Une passion photographique