Aux confins de la campagne de Bombay, dans le petit village des Warli, Jivya Soma Mashe exerce son art, accroupi à même le sol de sa terrasse.
Depuis plus de trente ans, puisant dans les pensées et cultes de sa communauté, il peint sur toile, avec des pigments à base de terre et de bouse de vache, des scènes de pêche, de mariage, des cérémonies et des mondes souterrains comme cette spirale animée de nombreuses fourmis décrivant une sorte de cycle infini. Entraînant dans son sillon ses fils et petits-enfants, Jivya Soma Mashe a su renouveler un art traditionnel jadis réservé aux femmes mariées qui décoraient à la poudre de riz les murs intérieurs des maisons. Il est l’un des artistes aujourd’hui exposés au musée du Quai Branly.
L’institution parisienne met à l’honneur les productions artistiques des Adivasi, ces tribus aborigènes en marge du système de castes hindou, longtemps méprisées avant d’être récemment reconnues par la constitution indienne. Comme il n’existe pas de terme adéquat pour évoquer cet art « tribal », « rural », « populaire » ou « artisanal », le Quai Branly a opté pour le générique « autres maîtres de l’Inde ». Une accroche qui sied bien à ce parcours inattendu, loin des canons de l’art classique indien visible au musée Guimet ou des créations actuelles dernièrement présentées à la Saatchi Gallery de Londres.
« Nous voulions mettre en lumière ces peuples et cette forme d’art méconnus. L’Inde rurale a un cœur qui bat toujours et qu’il faut écouter », résume Vikas Harish, conseiller scientifique de la manifestation. Pour ce, près de quatre cents œuvres ont été rassemblées, parmi lesquelles un grand nombre proviennent du National Crafts Museum à Dehli, dont la création, il y a vingt-cinq ans, a été décisive dans la reconnaissance des Adivasi. Les sculptures bhuta (esprits des ancêtres) en bois, les personnages colorés qui peuplent les décors muraux d’argile exécutés par Sundaribai et Pavitra Prajapati, les légendes peintes par Paresh Rathwa ou les serpents imaginaires et animaux fantastiques que Jangarh Singh Shyam couche sur papier, sont autant de facettes d’une production résolument éclectique.
La manifestation met l’accent sur la notion d’œuvre d’art contemporain, écartant ainsi une approche ethnographique qui aurait pourtant facilité la rencontre avec ces tribus indiennes encore appelées « les peuples de la nuit » ou « peuples cachés ».
« Autres Maîtres de l’Inde », musée du Quai Branly, 37, quai Branly, Paris VIIe, www.quaibranly.fr, jusqu’au 18 juillet 2010.
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Une expositon sort de la nuit - Les peuples de l’Inde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : Une expositon sort de la nuit - Les peuples de l’Inde