PARIS : LA PEINTURE RESTE MODERNE
La galerie Zabriskie (37, rue Quincampoix, 42 72 35 47) présente, du 15 mars au 11 mai, une exposition autour du cercle de Torrès-Garcia (Julio Alpuy, Gonzalo Fonseca, José Gurvich, Francisco Matto, Maunell Pailos, Hector Ragni, Augusto Torrès), qui témoigne de l’importance de cet artiste encore trop méconnu, en dépit de quelques expositions chez Marwan Hoss, et de son influence sur un groupe d’élèves qui, pour la plupart, n’ont pas démérité. La galerie publiera à cette occasion un catalogue. Antoni Tàpies reste sans aucun doute possible la référence contemporaine de la peinture espagnole. La galerie Lelong (13, rue de Téhéran, 45 63 13 19) propose ses nouveaux travaux jusqu’au 30 mars.
Pour des raisons qui tiennent au particularisme français, Pierre Soulages n’occupe pas une semblable position centrale dans le paysage contemporain. Avant sa grande rétrospective, qui s’ouvrira au mois d’avril au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, il expose ses estampes à la galerie Artcurial (9, avenue Matignon, 42 99 16 16) jusqu’au 30 mars. Changement de génération : Bernard Pifaretti, par ailleurs professeur à l’École nationale des beaux-arts (lire p. 8), incarne à son tour une certaine tradition française de l’abstraction, à la fois savante et rétive aux dogmes. Il expose ses nouvelles peintures à la galerie Jean Fournier (44, rue Quincampoix, 42 77 32 31) à partir de la mi-mars. Rien à voir, de près ou de loin, avec la peinture atmosphérique et sensuelle de Monique Frydman, qui, après le Musée des beaux-arts de Caen, expose à Paris ses tableaux récents sous le titre "Les dames de nage" (galerie Laage-Salomon, 57, rue du Temple, 42 78 11 71) jusqu’au 6 avril.
Steve Miller aux rayons X
Autres horizons de la peinture et de la sculpture européennes : Christopher Le Brun, Jaume Plensa, Piero Pizzi Cannella sont réunis dans un singulier trio à la galerie Vidal-Saint Phalle (10, rue du Trésor, 42 76 06 05) jusqu’au 13 mars. Moderne, la peinture sait aussi se faire post-moderne sous le pinceau d’un Mark Francis, jeune Irlandais de Londres, qui s’inspire des réalités organiques observées au microscope. Sa peinture parle et affirme les désarrois d’aujourd’hui, à la galerie Anne de Villepoix (11, rue des Tournelles, 42 78 32 24) jusqu’au 16 mars. Steve Miller, lui, a choisi les rayons X pour échapper à la trivialité du monde visible et donner à son art un contenu "futuriste". Il aboutit alors à un vaste puzzle d’images d’objets fétiches où, inlassablement, il traque la figure de la mère, à qui l’exposition est dédiée. La galerie Yvonamor Palix (13, rue Keller, 48 06 36 70) n’a pas attendu la Fête des mères pour le présenter jusqu’au 7 avril.
Loin de la peinture, on découvrira, jusqu’au 27 avril, les multiples de Lawrence Weiner à l’antenne parisienne de la galerie new-yorkaise Marian Goodman, (7, rue Debelleyme, 48 04 70 52). Enveloppes, casquettes de marin, bas de satin, couteaux, épinglettes, Weiner a décliné sur toutes espèces de supports ses devises matérialistes ou énigmatiques. Loin de ces espiègleries conceptuelles, l’art austère et fondamentalement sérieux de Barry Le Va est présenté à la galerie Georges Philippe Valois (38, rue de Seine, 46 34 61 07) jusqu’au 15 mars. Dans un genre qui n’est pas si éloigné, John McCracken retrouve les espaces de la galerie Froment Putman (33, rue Charlot, 42 76 03 50) jusqu’au 24 avril. S’il dénie à ses œuvres un statut intellectuel, MacCracken admet cependant qu’il voit et conçoit ses pièces en esprit avant de les réaliser.
À la galerie Monthenay-Giroux (31, rue Mazarine, 43 54 85 30), c’est l’artiste française Gloria Friedmann qui expose ses dernières sculptures jusqu’au 30 mars. Née en Pologne en 1930, Magdalena Abakanowicz présente des bronzes récents à la galerie Marwan Hoss (12, rue d’Alger, 42 96 37 96) jusqu’au 30 mars. Art tragique que celui d’Abakanowicz, qui, explique-t-elle, est le produit d’une certaine urgence toujours renouvelée, toujours aussi impérieuse. La galerie publie un catalogue avec un texte de Barbara Rose. Autre tragédie, celle qui se glisse dans la banalité du quotidien et que fige avec quelque cruauté Thomas Ruff. La galerie Nelson (40, rue Quincampoix, 42 71 74 56) présente jusqu’au 30 mars ses récentes photographies.
BRUXELLES : ÉCLAT ET DENSITÉ DU NOIR
Chez Serge Goyens de Heusch, Mig Quinet révèle un jour peu connu de son œuvre : le dessin. Dès ses débuts, la jeune femme témoignait d’une réelle sensibilité au dialogue des noirs et des blancs. La luminosité du travail va de pair avec l’agilité de la ligne qui marque l’ensemble de ses dessins. À l’inverse des toiles, qui affirment volontiers l’éclat et la densité de la pâte, le dessin reste un lieu d’exploration onirique. La légèreté y domine, parallèle aux traits foisonnants qui se déploient en d’incessants pizzicati. Mig Quinet y exalte une inspiration aérienne, joyeuse et gracile (jusqu’au 16 mars, Cité Fontainas, 1060 Bruxelles).
Chez Osiris, le visiteur retrouvera jusqu’au 4 mai les épures lumineuses de Michel Seuphor. Ici, tout est ordre, même si les figures perdent de leur froide géométrie au contact de l’espace haché qui évolue de l’ombre à la lumière en une partition fragile. Le frémissement reste présent à travers une méthode que Seuphor a reproduite à l’infini (12 galerie Bortier, 1000 Bruxelles).
Raoul Ubac chez Contretype
Autre grande figure de l’art moderne à Bruxelles, les photographies de Raoul Ubac sont présentées chez Contretype jusqu’au 17 mars. L’exposition constitue un événement tant Ubac a joué un rôle déterminant sur toute la jeune photographie d’après-guerre. Ainsi, les premiers clichés pris au début des années trente témoignent de cet œil analytique qui entend non seulement reproduire la réalité, mais en percer le mystère. Ubac rapproche à ce point l’objectif du sujet qu’il finit par en perdre la réalité. S’esquisse ainsi un nouveau "développement de l’œil", comme le qualifiera Dotremont, qui conduit le photographe à développer un autre monde né du détail, isolé et monumentalisé par la pellicule. Ubac crée ainsi un univers fait de sobriété et de rigueur. L’expérience plastique est rigoureuse, et de sa rigueur émerge un imaginaire qui marquera la photographie des années cinquante (1, avenue de la Jonction, 1060 Bruxelles).
Surréalisme d’après guerre
Sous le titre poétique de "C’est cité de mémoire", Jacques Lacomblez exhume chez Quadri ses premières œuvres, réalisées dans les années 50-60. Figure majeure du Surréalisme d’après-guerre, Lacomblez a participé à partir de 1956 au groupe Phase, avant de s’impliquer largement dans l’aventure de la revue Edda (1958-1965). On retrouve ici Lacomblez fidèle à son monde intérieur. Dessins, collages et peintures ouvrent la fenêtre sur des paysages intérieurs qui, à l’instar de Max Ernst, son modèle, tendent vers une abstraction sensible. Dans ses œuvres, Lacomblez mêle indistinctement écriture et musique pour faire éclater la vision en des foyers multiples. La matière, la couleur, les textures et les lignes dialoguent pour rendre compte d’un voyage sans fin dont on retrouve ici les racines (jusqu’au 10 mars, 49 rue Tenbosch, 1050 Bruxelles).
Chez Michel Vokaer, Alain Winance présente ses plus récentes peintures. L’artiste, graveur renommé, qui se révéla peintre en 1981, reste fidèle à ses sources d’inspiration : la solitude de lieux oubliés, la nature familière et pourtant étrangère, l’environnement quotidien… Naissent des toiles ni totalement abstraites ni fondamentalement figuratives, où l’artiste s’engage plus avant dans la recherche de l’émotion fugace qui, en un trait, serait la synthèse de l’homme et du monde. Tout est question d’empreinte, et le peintre reste en son for intérieur un graveur de mémoire (jusqu’au 6 mai, 169, chaussée de Charleroi, 1060 Bruxelles.
À Lasnes, Thérèse Delbrassine expose chez Jacques Pleyers ses "pierres de silence". Pour le sculpteur, le granit impose cette réserve faite d’intégrité et de monumentalité. Les formes tendent à l’essentiel, et le bloc instaure ce silence moins par absence que par densité. La surface polie incarne ainsi une perfection profonde. Les entailles, mesurées et précises n’en altèrent pas l’unité. Delbrassine ne plonge jamais à l’intérieur du bloc qui se refuse. L’incision en souligne la sérénité sans en perturber le repos. L’épuration des lignes renforce la densité de la matière, la finesse du trait en conforte l’éclat (jusqu’au 17 mars, International Art Gallery, 16, Bois Lionnet 1380 Lasne).
ITALIE : COSMOS 1996 CHEZ SPAZIA
Bologne
La galerie Spazia propose "Cosmica", un choix d’œuvres d’artistes italiens et étrangers sur le thème de l’espace et du ciel. On y admirera aussi bien une peinture "cosmique" de Prampolini qu’un "rayon" de Mochetti. Entre ces deux extrêmes chronologiques se situent le Missile de Licini, un Concetto spaziale de Fontana, ainsi qu’une Superficie lunare de Turcato, et un Monochrome bleu de Klein.
Les belles sculptures en céramique et les dessins de la période informelle de Leoncillo, une des grandes figures de l’art italien de l’après-guerre, sont exposés à la galerie Sanluca.
Naples
À Naples, Mimmo Scognamiglio et Corrado Teano ont ouvert une nouvelle galerie, baptisée Scognamiglio & Teano Agenzia d’Arte Moderna, qui présente les travaux de Franco Rasma jusqu’à la fin du mois. Ses propriétaires sont connus du public napolitain pour avoir longtemps compté parmi les collaborateurs les plus proches de Lucio Amelio. Le nom d’Agenzia d’Arte Moderna réveillera d’ailleurs des souvenirs chez certains puisqu’il fait écho à la Modern Art Agency, premier nom de la galerie ouverte au milieu des années soixante par Lucio Amelio, qui marqua un tournant décisif dans l’art contemporain à Naples.
Bari
À Bari, Marilena Bonomo accueille l’Américain David Tremlett. Cette exposition personnelle, intitulée "Walls and their drawings", évoque une œuvre caractérisée par une prédilection pour le thème du voyage, déplacement physique et mental, ainsi que par l’usage exclusif de matières "discrètes", telles que la terre, les pastels et le papier.
Milan
Milan, qui reste le centre névralgique du marché italien, ne proposait plus depuis quelques années de vrai rendez-vous commercial : c’est aujourd’hui chose faite, grâce au retour intra-muros de sa foire d’art moderne et contemporain. Du 21 au 25 mars, la troisième édition de MiArt’96 occupera les pavillons de la Fiera après s’être tenue pendant deux ans, sans beaucoup de réussite, au parc des expositions de Novegro, non loin de l’aéroport de Linate. Cette installation dans un lieu plus prestigieux devrait permettre à la manifestation de proposer des œuvres de qualité et de renouer avec le succès.
La galerie Blu poursuit son parcours autour de quelques grands maîtres européens en proposant, après Kandinsky, Klee et Picasso, une exposition Kurt Schwitters. Vingt-six œuvres, datées de 1918 à 1947, seront proposées du 19 mars au 13 juillet. Parmi elles, des collages intéressants datant du début des années vingt, époque où Schwitters, après sa rencontre avec Arp et le Dadaïsme, met en place sa poétique et son style.
Karsten Greve expose, jusqu’au 13 avril, les sculptures, peintures et œuvres sur papier de Leiko Ikemura, artiste japonaise travaillant en Europe depuis 1972 et résidant à Cologne depuis 1985.
Le Japon est également à l’honneur à l’Association culturelle d’art japonais, un espace ouvert récemment afin de faire connaître l’art nippon traditionnel et contemporain. Le lieu accueille pour tout le mois "Washi", une exposition de Yutaka Hatta et Shizuko Kate.
Renos Xippas, marchand grec d’art contemporain installé rue Vieille-du-Temple à Paris depuis 1989, ouvre une nouvelle galerie à Athènes, où il s’était déjà établi en 1972. Installée sur 300 mètres carrés et fonctionnant " sur rendez-vous ", la galerie présentera les mêmes artistes qu’à Paris. Renos Xippas espère ouvrir aussi un espace en Argentine.
Laurence Chatel de Brançion ouvre la galerie des Arches au 22, rue des Quatre-Fils dans le Marais. Première exposition, " Montagnes et volcans ", avec Jean-Baptiste Secheret, Catherine de Luze et Louttre B.
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Un tour des galeries (I)
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Abonnez-vous dès 1 €Contrairement à ce que nous avons affirmé dans le JdA n°22 de février, page 8, la Galerie Étienne Tilman n’est aucunement fermée. Elle présente, jusqu’au 23 mars, les sculptures de Sylvie Ronflette avant de laisser la place, à partir du 4 avril, au Cubain Franklin, puis, en mai-juin, à Tapta.
Galerie Étienne Tilman, 59, rue de Stassart 1050 Bruxelles, du mercredi au samedi de 14 à 18h30, tél. (02) 512 11 21.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Un tour des galeries (I)