À Speelhoven, dans les environs de Bruxelles, « La nature n’existe pas » propose à neuf artistes, belges et français, une partie de campagne. Loin du Land art, les œuvres proposées sont autant d’intrusions surnaturelles dans le paisible cadre d’une ferme.
SPEELHOVEN - Charmante ferme des environs de Bruxelles, Speelhoven est indéniablement un “petit coin de nature” avec chevaux, prairies et bosquets : le cadre idéal pour une exposition en plein air. C’est pourtant sous l’énoncé doucement provocateur de “La nature n’existe pas” qu’Isabelle de Visscher-Lemaître et Baudouin Oosterlynck ont réuni dans les environs neuf artistes. Si la nature n’existait pas, il faudrait l’inventer, pourrait-on répondre à la vue des œuvres de Michel Blazy, qui signe ici un “tomatier” – un cognassier où sont collés quelques tomates. À côté, c’est à une plante sans fleurs qu’il donne vie : abandonné, un tas de coton durci fourmille d’organismes biologiques. Uniquement accessible au plus grand nombre sous sa forme industrialisée, le matériau retrouve alors un peu de son caractère sauvage. Accompagné par Hugues Reip, Michel Blazy insère également des ampoules électriques dans l’écosystème belge. Jouant sur l’ambivalence du terme Bulb, ils transforment une série d’ampoules en terreau fécond pour les mauvaises herbes. Associées à des diodes, et suspendues au plafond, celles-ci prouvent également leurs vertus décoratives.
Voisine de celle de la “nature”, la notion de paysage est elle aussi largement interrogée dans les œuvres proposées. Ainsi de Gardening, ce dérivé inoffensif d’une cabane de chasseur qu’Hans Op De Beeck a édifié au bord d’un chemin. Planque à traquer le paysage, cette cahute noire cadre élégamment à travers une vitre une composition où se côtoient un arbre vivant et un arbre mort. Allusion évidente à la camera oscura, la construction prend le problème du paysage à l’envers. Elle considère celui-ci comme une proie prête à être dessinée. Mais présenté dans les salles, le film d’animation inspiré par le site contredit ces velléités prédatrices par une bande-son emphatique qui vient réveiller nos sympathies rousseauistes. Toute tentative d’herborisation est toutefois rapidement interrompue par Delphine Coindet. Adossant, deux par deux, de larges reproductions de paysages issues d’une banque d’images, cette dernière a planté simultanément tentes et décors dans un pré. Le bivouac rappelle par ses formes et ses motifs les rêves de loisirs sauvages associés au camping, et, dans la paisible campagne belge, l’installation prend des allures de mirage. Le Turtle Run de Mara Goldberg semble, lui aussi, découler d’un étrange phénomène “naturel”. Parquées dans un ancien cours de tennis, ses sculptures bourrées de capoc semblent apprendre la vie en plein air au sein d’un parcours sportif. Une véritable vie des formes en découle : les structures molles s’adaptent tant bien que mal aux dérivés d’obstacles qui leur sont proposés. Le caractère outrageusement factice de ces organismes tourne à leur avantage. Rien n’a l’air plus naturel que le skaï “autruche” ou “lézard” qui leur sert de peau.
- LA NATURE N’EXISTE PAS, jusqu’au 7 octobre, Speelhoven, 90 rue Haterbeeck, 3200 Aarschot, Belgique, tél. 32 16 56 80 03, du mercredi au dimanche 14h-19h, catalogue.
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Un petit coin de nature
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : Un petit coin de nature